• « On est en train de découvrir le développement par le partage, la liberté et la connaissance. » 


    François Bayrou, répondant à l'invitation de Loïc Le Meur, est venu échanger avec les entrepreneurs de l'internet et blogueurs, français et étrangers, réunis à Paris pour le congrès "Web 3.0".


    « C'est très important, la blogosphère, pour un candidat à l'élection présidentielle qui n'est pas soutenu par les médias hyper-puissants.

    Il y a aujourd'hui dans la société, l'univers politique, l'univers économique, une possibilité de prise de contrôle de l'opinion publique par des puissances économiques et médiatiques. En face, il y a aujourd'hui un seul instrument de pluralisme, qui est la réaction de la communauté des citoyens. Et en termes médiatiques, la réaction de la communauté des citoyens, c'est la blogosphère.

    Je suis là [à ce congrès "Web 3.0"] aussi parce que selon moi, dans la blogosphère, il y a un projet de société.

    Internet, c'est les citoyens qui cessent d'être passifs pour devenir actifs, qui cessent de recevoir comme on reçoit lorsqu'on est assis passivement devant l'écran de télévision - même si on peut choisir les chaînes.

    On devient un acteur du monde de l'information, et au-delà du monde de l'information, un acteur de sa propre vie. C'est pour ça que j'aime bien que Thierry Crouzet définisse internet comme le "cinquième pouvoir". Pour moi, il y a là un très grand espoir pour les hommes et pour la planète.

    Je suis très frappé (ça ne va pas faire plaisir à tout le monde, mais ça ne fait rien, je le dis), par l'univers des logiciels libres et par l'univers des wikis, parce qu'il y a là une capacité de partage du savoir qui est, pour la première fois depuis des siècles, une manière de bâtir l'activité économique elle-même sur une démarche de partage et de coopération, sur autre chose que l'univers strictement marchand. Une tentative de construire, sur des bases de coopération et de gratuité, une société, une économie, un partage du savoir, où tout ne repose pas sur l'échange marchand.

    C'est un moment très important : l'humanité est en train de découvrir une logique de développement nouvelle. On connaissait le développement par la puissance, on connaissait le développement par l'économie, on est en train de découvrir le développement par le partage, la liberté et la connaissance.

    Il paraît que vous représentez 60 millions de lecteurs, si on additionne ceux de tous vos blogs ; en tout cas, parmi vos lecteurs, il y a les femmes et les hommes qui vont porter ce nouveau projet de développement pour nos pays, la France, l'Europe - et pour l'humanité toute entière. C'est pourquoi je considère votre rencontre comme un évènement très important : ce projet, qu'internet porte aujourd'hui, est crucial dans l'histoire des hommes. »


  • « Le "non" de la France est juste. Si, pour résoudre les crises, on n'a que la réponse "déclencher une guerre", alors on est parti pour un siècle extrêmement dangereux »

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    Le 10 mars 2003, le président de la République annonçait à propos du projet américain de faire voter à l'ONU une résolution autorisant l'invasion de l'Irak : "Quelles que soient les circonstances, la France votera non". François Bayrou a aussitôt, et constamment, soutenu ce choix de la France.


    « La position exprimée hier soir par le Président de la République est juste, tant une guerre de première intention ne saurait être la réponse aux crises de la planète, ni un moyen de défendre nos valeurs.

    Ce "non" de la France est juste. Il y a dans cette crise, non seulement la résolution du problème irakien, mais aussi un modèle de résolution pour toutes les autres crises qui surgissent : la Corée du Nord, peut-être l'Iran, la Libye, ... des Etats si incontrôlables, si instables, si pénétrés d'idéologie, qu'on doit se demander ce qu'on peut faire pour les mettre hors d'état de nuire. Et si on n'a que la réponse "déclencher une guerre", alors on est parti pour un siècle extrêmement dangereux. C'est pourquoi j'approuve le président de la République.

    Beaucoup de gens évidemment, entre Bush et Saddam Hussein, se sentent plutôt du côté des Américains, mais il faut le leur rappeler : ce n'est pas la question. La question c'est : quel est le chemin que nous allons suivre pour résoudre les crises qui se préparent ?

    La question est celle des organisations internationales : ONU, Otan, Union Européenne, aujourd'hui fragilisées. Et c'est l'équilibre des puissances. Est-ce que les Etats-Unis sont la seule puissance de la planète, ou est-ce qu'on bâtit en face une puissance équivalente, qui puisse parler aussi fort ? On n'en a pas pris le chemin. C'est la partie où je me suis trouvé très éloigné de l'analyse du président de la République.

    Il aurait fallu, dès le premier jour de cette crise, s'obstiner à trouver une position européenne et à présenter un front européen. Alors la Grande-Bretagne aurait été d'une certaine manière au pied du mur. »

    Dans son discours de Lille le 14 décembre 2006, François Bayrou revient sur ce "non" :

    « Cet avertissement ultime a été lancé au nom de notre peuple, et notre peuple parlait au nom d'une partie de l'humanité.

    C'est la France qui avait raison, et le président de la République a été à ce moment, non pas arrogant, mais courageux.

    La France, par la bouche de Jacques Chirac et de Dominique de Villepin, a rappelé aux peuples du monde, y compris au peuple américain, entraîné par une intense communication de masse, que des principes essentiels étaient bafoués, et que de lourds dangers risquaient d'être déchaînés.

    Qui aujourd'hui, peut encore regretter que la France ait parlé comme elle l'a fait et décidé d'user de son droit de veto ? À ce moment, la France a été à la hauteur de sa vocation. C'est dans cette ligne de courage que je m'inscrirai pour la politique étrangère de la France.  »


  • « Face à l'Iran, la France ne peut avoir qu'une ligne : l'intransigeance dans le respect du droit international »

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    François Bayrou s'est exprimé plusieurs fois, ces dernières années, en faveur de l'interdiction pour l'Iran d'accéder à l'arme nucléaire. Le fondement de cette interdiction est le droit international, ce qui impose en contrepartie d'accepter l'accès de l'Iran au nucléaire civil.



    « Face à l'Iran, la France ne peut avoir qu'une ligne : la rigueur et l'intransigeance dans le respect du droit international.

    Il y a un traité de non prolifération nucléaire. Ce traité interdit aux nations qui l'ont signé - tous les pays sauf trois - d'aller vers l'arme nucléaire, mais il leur garantit en échange l'accès au nucléaire civil. Si ce traité n'est pas respecté, les démocraties doivent solidairement décider de sanctions.


    Il y a une leçon que nous devrions avoir apprise dans le plus noir de l'Histoire, c'est la leçon de Munich. Quand les mots sont des menaces, il faut les prendre au sérieux, surtout quand les mots sont servis par la force des armes.


    Le jour de Munich, toute la démocratie d'opinion, les sondages, les applaudissements fêtaient les signataires. Daladier* a murmuré "Quels cons ! ...". Un jeune professeur d'Histoire était l'éditorialiste du journal L'Aube. Ce jeune professeur allait être un jour, après l'arrestation et le suicide de Jean Moulin, le président du Conseil National de la Résistance. Il s'appelait Georges Bidault. Le jour de Munich, Georges Bidault écrivait ceci, qui a été une des maximes de ma vie : "Lorsqu'il s'agit de dire non, le meilleur moment pour le faire, c'est le premier." »


    Dans son discours à l'Assemblée nationale sur la situation au Proche-orient, François Bayrou a déclaré le 7 septembre 2006 :


    « Que le ministre français des Affaires étrangères se rende à l'ambassade d'Iran à Beyrouth, et délivre un brevet de respectabilité en désignant l'Iran comme "une puissance stabilisatrice dans la région" nous a paru un risque que la France n'aurait pas dû prendre.


    Les gouvernants iraniens actuels sont engagés dans une double obsession mortifère : l'appel sans ambiguïté à la destruction d'Israël ; et la décision d'acquérir la puissance nucléaire. Et l'obsession de la destruction d'Israël donne à l'obsession nucléaire sa portée ...


    Quand le Président iranien déclare en juillet : "le problème fondamental du monde musulman est l'existence du régime sioniste qui doit être éliminé". Quand il déclare en octobre dernier : "comme l'a dit l'imam Khomeiny, Israël doit être rayé de la carte... La nation musulmane ne permettra pas à son ennemi historique de vivre en son cœur même", ce qu'il dit doit être mis en rapport avec la question du contrôle de l'arme nucléaire. »


    *Président du Conseil des ministres, signataire le 30 septembre 1938 des accords de Munich, par lesquels les démocraties ont laissé Hitler envahir la Tchécoslovaquie, dans l'espoir de sauver la paix avec l'Allemagne nazie.


  • ISF

    « Je suis partisan d'une imposition sur le patrimoine à base large, mais à taux léger. » 


    L'ISF actuel a un taux parmi les plus élevés du monde – jusqu'à 1,8 % —, qui encourage les patrimoines à s'investir hors de France, et pourtant, à force de défiscalisations, il rapporte peu ! François Bayrou propose une réforme complète de l'imposition du patrimoine.



    « L'ISF, tout le monde fuit cette question!  Je n'ai pas l'intention de l'éluder ! J'ai combattu les baisses d'impôt indues, et je considère que la solidarité est la condition de notre survie comme nation ; mais une nation qui accepte l'exil de ses citoyens les plus riches, accepte de s'appauvrir : l'argent qui aurait été réinvesti dans la société française, dans la création d'emplois, dans le commerce, cet argent va s'investir chez nos voisins.

    Pire encore : les plus riches, en multipliant les décisions ciblées sur la défiscalisation, y échappent aisément. Ceux qui l'assument « plein pot », ce sont les classes moyennes supérieures, frappées par l'explosion de l'immobilier, puisqu'on n'a pas eu le courage de faire bouger les seuils suivant le coût du logement.


    Je suis partisan d'une imposition sur le patrimoine à base large, à partir de 750 000 euros, sans plus aucune niche défiscalisée ni exemptions, mais à taux léger. Nous avons fait le calcul avec Charles de Courson : le patrimoine des Français au-dessus de 750 000 € par ménage dépasse les 3 000 milliards d'euros. Un prélèvement de 1 pour 1000, facile à assumer par tous, rapporterait 3 milliards par an, c'est-à-dire l'équivalent de l'ISF aujourd'hui.


    Et nous y gagnerions énormément en impôt sur la consommation, en investissement, en création d'entreprises. »


  • « La justice est fragilisée et déstabilisée. Elle appelle une refondation, à partir de principes simples : indépendance et transparence. »

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    La justice a pour fonction de donner à la société force et lien. Elle ne peut être soumise à l'exécutif, la confiance du citoyen en dépend. Pour François Bayrou - s'exprimant en mars 2006 en clôture d'un colloque sur le sujet - la justice doit être un pouvoir, et, en République, les pouvoirs sont séparés.


    «  La confusion entre Etat, justice, gouvernement, majorité ne peut pas durer. Il faut que l'État trouve sa justice, lui aussi. Le Conseil d'État, qui n'est pas composé de magistrats, ne saurait être juge et partie, associer les fonctions de juge et de conseil du gouvernement. C'est un grand sujet pour le sommet de l'État en France - cela va de pair avec la volonté d'indépendance de la société française.


    Je veux un Garde des Sceaux indépendant du gouvernement (c'était une proposition de Raymond Barre en 1988). Il sera investi, sur proposition du président de la République, par le Parlement, à la majorité des trois quarts par exemple, de manière qu'il échappe aux préférences partisanes. Il devra animer un débat annuel de politique pénale devant le Parlement.


    Deux questions d'indépendance se posent à l'intérieur du corps judiciaire. D'abord, la gestion des carrières : le Conseil de la Magistrature doit avoir une composition équilibrée de magistrats et non-magistrats, et ses membres être investis par le Parlement à une majorité qualifiée. Ensuite,l'indépendance du parquet, sous l'angle des nominations ; les procureurs généraux doivent être nommés par le Garde des Sceaux indépendant, après avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistrature.


    Je soutiens l'idée d' un juge de l'instruction, qui soit rétabli - c'est une garantie pour le citoyen - dans un rôle d' arbitre, sollicité par l'accusation ou la défense. Deux garanties instaurées pour l'enquête seront en même temps des garanties pour le citoyen : la collégialité, avec la création de pôles d'instruction, et la transparence : audiences publiques à intervalles réguliers, enregistrements audio ou vidéo des auditions et gardes à vue.


    Pour assurer l'indépendance du parquet, les fonctions de juge et de procureur doivent être clairement séparées. Les représentants du parquet doivent demeurer des magistrats.


    Pour les avocats, je veux défendre l'idée d' un internat*, comme moyen d'une égalité des chances en matière judiciaire, pour ceux qui relèvent de l'aide juridictionnelle. Pour répondre à l'inquiétude, parmi les avocats, sur les moyens matériels d'exercer leur mission, un système d'assurance serait généralisé.


    Quant aux prisons, je propose deux axes : la réhumanisation des lieux d'emprisonnement et la recherche de toutes les alternatives à la détention et à l'emprisonnement, notamment pour les jeunes.


    Je ne résume pas les problèmes de la justice à une question de moyens, mais la question est essentielle. Je propose de doubler le budget de la Justice en 10 ans, par des lois de programmation multi-partisanes. »


    * internat : par analogie avec les internes en médecine. Des jeunes avocats seraient payés pour ce travail, par exemple à plein temps comme les magistrats et avec une rémunération similaire.