• « Les citoyens jugent l'Europe incompréhensible et technocratique. Elle a besoin d'une inspiration nouvelle. »


    Engagé pour une Europe démocratique, François Bayrou la veut conforme aux attentes des citoyens. Les Français (suivis par les Néerlandais) ont dit « non » au Traité constitutionnel le 29 mai. Quelle autre Europe construire avec eux ? François Bayrou présente sa réponse au Congrès du Parti démocrate européen, en novembre 2006 à Rome.



    « Pour moi, trois raisons expliquent que les Français aient voté contre le Traité constitutionnel.


    D'abord, le texte était illisible, et tous les livres écrits pour le « oui » n'y ont rien fait ; les citoyens ne voulaient pas qu'on leur explique.


    D'autre part, en raison de la troisième partie du Traité, les Français ont eu le sentiment qu'on voulait leur imposer un modèle de société où les principes commerciaux étaient placés avant les valeurs morales. Quand les Français parlaient du « plombier polonais », il ne s'agissait pas de xénophobie, mais d'une peur pour l'avenir du modèle social français, de nos standards sociaux.

    La décision sur l'adhésion de la Turquie a également pesé : les négociations ont été lancées sans demander leur avis aux Français.


    Ce non n'est pas transitoire. Les Français y ont pris goût : le 21 avril 2002, le référendum... Aujourd'hui, certains contestent l'euro fort, le rôle de la banque centrale...


    Je suis convaincu que l'Europe doit s'occuper des choses importantes, pas de l'accessoire. Les citoyens ont la nostalgie d'une tout autre Europe ; aujourd'hui, ils jugent l'Europe incompréhensible, opaque et technocratique.


    L'Europe est en panne, et seul un travail de reconstruction et d'inspiration nouvelle résoudra cette crise profonde. Un autre projet européen doit s'exprimer : une Europe ouverte aux citoyens. Elle le sera d'autant mieux qu'il y aura des gouvernants qui retrouveront cette inspiration. »

  • « La laïcité à la française : garantir l'unité dans la diversité. »


    Dans les symboles comme dans la loi, notre laïcité est un trésor national. François Bayrou, tant en homme d'Etat qu'en homme de foi, s'engage pour cette "laïcité à la française" qu'incarne la loi de 1905. En 1994, ministre de l'Education nationale, c'est lui qui avait pris la circulaire interdisant à l'école les signes religieux ostentatoires.


    « La laïcité est le centre même de la démocratie française. Elle est le patrimoine commun de principes et de convictions qui fait le ciment et l'essence de notre civilisation singulière, au-delà des religions et des histoires différentes. Elle établit une autonomie des ordres politique et religieux, qui porte en elle les autres autonomies, des syndicats, des entreprises et de la vie économique, des associations.

    Le port du voile par les jeunes filles musulmanes, manifestation visible du mouvement de revendication de l'islam, porte des significations de nature à inquiéter l'architecture de valeurs autour desquelles se sont construites la République et son école.

    Ce vêtement qui se fait signe affirme d'abord que la loi de Dieu est supérieure à la loi des hommes. Il entre doublement en contradiction avec les valeurs qui fondent notre société.

    En premier lieu parce que, pour nous, la loi a un caractère éminemment séculier.

    Secondement parce que cette manière de vêtir singulièrement les jeunes filles et les femmes semble signifier que, aux yeux de celles qui la revendiquent ou s'y soumettent comme aux yeux de celles et de ceux qui la prônent, le statut de la femme est inférieur à celui de l'homme.

    Sur cette question dite du voile, la fermeté des principes ne doit pas empêcher de laisser aux équipes éducatives une certaine marge de souplesse et sur le terrain. Souvent, le règlement  vaut mieux que la loi.

    L'interrogation sur la laïcité ne se limite pas à l'école, et la question de l'islam ne se limite pas au voile. Les moyens matériels et humains mis à la disposition des musulmans pour leurs pratiques et pour leur vie de tous les jours sont aussi en cause.

    Un code de la laïcité est devenu nécessaire, un code qui reprenne de manière simplifiée et solennelle les textes qui fondent l'architecture juridique de notre laïcité et ont construit le compromis laïque. Je ne suis pas favorable à modifier l'arsenal juridique, notamment la loi de 1905. Si des adaptations doivent être trouvées, la rédaction d'un tel code le permettra.

    La laïcité signifie le respect. Elle doit défendre, dans l'espace public et notamment à l'école, les principes de non-discrimination et de primauté de la loi.  »


  • "Nos langues régionales font partie du patrimoine de la nation." 


    François Bayrou ministre a pris la circulaire du 7 avril 1995, qui régit actuellement l'enseignement des langues et cultures régionales en France ; elle appelait à généraliser la découverte de la langue et de la culture régionale dans chaque classe. A l'Assemblée nationale, il est maintes fois intervenu pour défendre les langues régionales.


    " Les langues régionales ont une tradition, une syntaxe, une longue histoire. Lorsqu'on n'évolue pas dans une communauté où ces langues sont parlées, lorsqu'on ne les pratique pas on a l'impression qu'il s'agit de survivances. Or, elles sont au contraire au coeur de notre identité.

    La défense du français n'est pas contradictoire avec la défense des langues de France, avec la défense de la diversité culturelle de notre patrimoine que chacune des langues régionales constitue ! Alors que nous nous battons pour la diversité culturelle, devrions-nous pas considérer que parce qu'une langue est minoritaire, elle est moins digne d'intérêt ? Ces langues sont victimes d'un ostracisme. Si nous laissons faire, un jour le français sera lui aussi ostracisé, car c'est une langue minoritaire en Europe et dans le monde.

    Les langues régionales sont en danger de mort. Pour certaines, c'est une question d'années. La loi doit imposer, non seulement le respect de ces langues, mais leur défense : le respect ne suffit plus ! Nous avons besoin de fonder une politique positive. L'inscription dans la loi de la défense de ces langues induira une décision politique de première importance : la signature par la France de la Charte des langues régionales ou minoritaires.

    Il s'agit de défendre un droit. En tant que citoyens français, nous avons tous le droit de pratiquer les langues qui nous ont faits ce que nous sommes."


  • « La France a vécu la guerre de l'été 2006 comme une épreuve »


    François Bayrou a pris la parole à la tribune de l'Assemblée lors du débat sur la situation au Proche-Orient, et sur la résolution 1701 mettant fin aux affrontements à la frontière israëlo-libanaise. Pour François Bayrou, la France doit se donner comme ambition dans cette région de restaurer une paix durable et de garantir la souveraineté d'un Liban indépendant.


    « La France a un lien indissoluble avec le Liban, pour qui la langue française est une seconde patrie, et qui, sans elle, n'existerait pas : c'est la France qui a servi de garant à cette idée historique de faire une communauté nationale d'un peuple éclaté entre tant de communautés, liées par un contrat complexe. La France a vécu la guerre de l'été 2006 comme une épreuve.

    J'ai, pour l'essentiel, soutenu dès les premiers jours la ligne fixée par le président de la République - chemin faisant, j'ai trouvé déplacé et dangereux que le ministre français des Affaires étrangères délivre à l'Iran un brevet de respectabilité comme "puissance stabilisatrice dans la région".

    Je soutiens la décision de participation à la FINUL. Nous sommes d'accord sur la démarche consistant à reconstruire le Liban et à demander à la communauté internationale d'aider ce pays, en particulier devant le drame et la menace que représentent pour des centaines de milliers de Libanais les mines antipersonnel et les résidus de bombe à fragmentation.

    Mais il y a une question politique : quel est exactement le mandat de la FINUL ? S'il est le même que celui de la FINUL I, l'on risque d'assister, sous les yeux même des contingents armés de l'ONU, au réarmement de la milice du Hezbollah. Cela ne serait pas conforme à la lettre, ni à l'esprit, des résolutions des Nations unies : la résolution 1559 oblige au désarmement effectif des milices et à l'exercice de l'autorité sur le terrain par l'armée libanaise, et la résolution 1701 affirme que l'armée libanaise est la seule autorité légitime en matière de sécurité au Liban.

    Et ce serait un risque immense pour le Liban, pour Israël, pour la paix, qu'une faction qui vise ouvertement la destruction d'Israël, s'arroge la domination sur une région d'un pays souverain. On voit la déstabilisation de la région et du Liban tout entier que cela supposerait.

    Je demande que ces menaces soient prises en considération et qu'il y soit mis un terme. Le réarmement des milices serait l'échec assuré pour la politique nécessaire de paix et de restauration de la souveraineté d'un Liban indépendant. »


  • « Le droit au logement doit devenir effectif »


    La crise du logement est l'une des manifestations les plus scandaleuses de la crise économique et sociale : la logement est un secteur économique en pleine prospérité, et pourtant des personnes dorment dans leur voiture alors qu'elles ont un emploi stable. François Bayrou a consacré un colloque en janvier 2006 à une "nouvelle politique du logement".


    « Simplifier et stabiliser les législations et les règlements, c'est le préalable à toute politique du logement.

    Le droit au logement doit devenir effectif, conformément à l'article 11 du Pacte des Nations Unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ratifié par la France. Toute personne en France disposant de ses droits sociaux, y compris les plus démunies, doit se voir proposer un logement décent, dans des conditions économiques acceptables. Cela débouche sur ce que certains appellent "le droit au logement opposable", déjà mis en pratique dans plusieurs pays.

    Dans les Pyrénées-Atlantiques, le Conseil général que je présidais a initié un programme de logements ultra-sociaux pour personnes en situation d'urgence. Nous avons récupéré et réhabilité 1000 logements en cinq ans : la plus petite surface, la plus petite maison de garde-barrière abandonnée, le recoin de ferme inutilisé. Nous en avons garanti le loyer. Cela a été l'œuvre d'une équipe de deux personnes.

    Le non-respect de l'article 55 de la loi SRU (au moins 20% de logements sociaux par commune) choque beaucoup. Lorsque des élus locaux sont manifestement de mauvaise volonté, il peut être envisagé que le préfet récupère la compétence sur les permis de construire, pour un temps donné.

    Je propose que tous les programmes immobiliers comprennent au moins 25 % de leur surface en logements sociaux. La mixité doit marcher dans les deux sens : des logements sociaux dans les programmes destinés aux populations plus avantagées, des logements pour des les classes moyennes ou supérieures dans les programmes de logements sociaux.

    Moduler les loyers dans le parc HLM, en fonction de la situation des personnes, est une nécessité de justice et d'efficacité.

    Il faut étendre et améliorer les  mécanismes de "sécurisation" : assurances pour les propriétaires, pour les inciter à mettre en location ; caution mutuelle pour les locataires jeunes et économiquement faibles.

    La politique du logement doit mobiliser également le privé, le public et l'associatif, par l'instauration d'une logique de mission, avec des moyens liés à la mission, et non pas liés principalement au statut des acteurs.

    L'aide à la pierre et tous les systèmes de défiscalisation doivent être ciblés sur des besoins de logement prioritaires et durables. Or les régions où l'on a le plus besoin de logements sont aussi celles où le plus d'entreprises s'installent, et si les habitants coûtent aux collectivités territoriales, les entreprises leur rapportent. C'est donc aux collectivités territoriales qu'il revient de réguler et financer l'effort de construction. La contribution des entreprises au logement doit être régionalisée. »