• 23 mars 2007

    Continuité territoriale, logement, éducation, développement économique... Dans une interview par téléphone accordée, hier soir, au Journal de l’île, avant de prendre l’avion, le candidat centriste, qui arrive dans le département ce matin, précise quelques mesures de son projet pour la Réunion. Il insiste surtout sur le fait qu’il veut “être différent” de Nicolas Sarkozy et de Ségolène Royal, “ça fait des années et des années que des candidats se promènent avec des promesses qui ne sont pas respectées. Avec moi, il y a une vraie chance d’obtenir un changement”.



    Dans un sondage Ipsos-Journal de l’île, paru samedi dernier, vous arrivez troisième, mais très loin derrière Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, alors qu’en métropole vous êtes à 20% et plus. Comment expliquez-vous ce décalage entre l’hexagone et la Réunion ?

    Parce qu’on est encore à un mois de l’élection et que les mouvements d’opinion se font assez tard. Vous vous souviendrez que c’est 5 fois plus que ce que j’avais fait à la Réunion en 2002. Je sais que les Réunionnais reconnaîtront celui qui, au fond, est le plus proche d’eux.

    Ça ne suffit pas pour gagner une élection. Pourriez-vous être un peu plus concret ? En décembre dernier lorsque vous étiez dans l’île, vous aviez promis aux Réunionnais de revenir pendant la campagne avec un programme spécifique pour la Réunion. Est-il prêt ?

    Oui bien sûr ! J’ai promis de revenir parce que je sais qu’il est nécessaire pour les Réunionnais comme pour tous les autres Français d’Outre-mer de sentir un lien de proximité et de compréhension avec leurs élus et notamment avec le Président de la République. Je suis venu très souvent à la Réunion et les Réunionnais savent que ce n’est pas en tant qu’électeur que je les regarde. Je les regarde en tant que citoyens français, je ne viens pas seulement dans les circonstances électorales. Je viens tout au long des années parce que j’aime l’île et son mode de vie, parce que j’aime ses valeurs au fond. Ce n’est pas pour faire semblant que je viens à la rencontre des Réunionnais. Je ne considère pas la Réunion comme une réserve de voix électorale.
    Tout cela ne nous dit toujours rien sur votre programme. Quelles en sont les mesures phares ?
    On va aller à l’essentiel. D’abord pour l’ensemble de l’Outre-mer, premièrement, je suis pour l’impartialité de l’Etat.
    C’est-à-dire ?

    C’est-à-dire que l’Etat ne soit pas engagé auprès d’un clan ou d’un autre. L’Etat doit être honnête, droit. Qu’il respecte l’Outre-mer sans favoriser tel ou tel...
    C’est le cas actuellement, selon vous ?

    Vous avez peut-être observé l’actualité de la Réunion. Moi, j’en sais rien. Deuxièmement, priorité à la continuité territoriale. Il faut mettre en place toutes les conditions pour que, entre la Réunion et la métropole, ce soit, en particulier pour les étudiants ou pour les déplacements familiaux, moins cher. Quand il s’agit d’aller faire du tourisme, c’est autre chose. Tous ceux qui, habitant à la Réunion ne peuvent pas voir leur famille, parce que ça coûte trop cher de leur rendre visite. Idem pour tous ceux, réunionnais, vivant en métropole. C’est un vrai problème. Par exemple, l’effort que l’Etat fait en Corse, il est nécessaire d’y penser pour la Réunion. Et puis peut-être l’organisation des créneaux, le fait que l’on puisse offrir d’autres possibilités de liaisons aériennes. Peut-être en pensant à la Réunion comme un “hub océan Indien”, c’est-à-dire comme une plaque tournante pour l’océan Indien.

    Vous parlez de l’aérien, mais on est également loin de l’égalité tarifaire avec la métropole en matière notamment de télécommunications ?

    En matière de télécommunications et plus précisément en matière d’accès à internet, on devrait avoir accès à des coûts moindres à ces moyens de communication. Je ferais tout pour que les coûts et la qualité soient comparables avec ce qui se fait en métropole.

    Toujours dans le cadre de votre projet pour l’Outre-mer, qu’avez-vous prévu comme mesures phares dans le domaine économique. Nicolas Sarkozy propose par exemple de conserver la défiscalisation et d’instaurer une zone franche globale pour créer des emplois, qu’en pensez-vous ?

    Je l’ai dit en décembre dernier dans votre journal, je suis pour une zone franche globale. Je suis pour une ZFG, qui permettra à la Réunion de saisir ses chances sans être défavorisée par le déséquilibre posé par une société qui est heureusement de haut niveau social avec les coûts que cela comporte.

    La vie reste chère dans l’île et, dans le même temps, le pouvoir d’achat des Réunionnais dont 30% vivent de minima sociaux, n’augmente pas vraiment. Par quels mécanismes comptez-vous y remédier ?

    Ah oui, je sais bien. Il y a une chose que je veux vous dire : j’ai placé toute ma campagne sous le signe de la responsabilité. Je n’ai fait aucune promesse que je ne tiendrai pas. Quiconque va vous faire des promesses, en réalité, vous ment. Comme vous le savez, l’Etat est ruiné. Il faut donc trouver des moyens pour que l’île se développe et ces moyens ne seront pas des chèques signés par l’Etat. Quiconque vous dit le contraire vous ment, et moi je ne mentirai pas aux Réunionnais. Donc, il faut améliorer le pouvoir d’achat avec des mesures générales. Moi par exemple, je suis pour inciter les entreprises à partager une part de leurs bénéfices à la fin de l’année avec leurs salariés. De même que je suis pour permettre à chaque entreprise de créér deux emplois nouveaux sans avoir à créér de charges, ce qui est un moyen de remonter les salaires. Et pour ceux qui ont le moins d’argent, je suis pour que le minimum vieillesse - la majorité des retraités de la Réunion - soit remonté en cinq ans à 90% du Smic.

    Que préconisez-vous pour une relance de la politique du logement social à la Réunion : 26 000 demandes en attente contre 3 000 constructions seulement par an ?

    Je suis pour que la défiscalisation soit orientée en direction du logement social. La dernière fois que j’étais venu, j’avais inauguré des maisons d’accession à la propriété. Je suis pour qu’on multiplie les formules de cet ordre. Le logement social est un des sujets le plus important pour la Réunion et, pour moi, il s’agit d’un sujet-phare du travail que nous avons à accomplir à la Réunion.
    Autre sujet important, l’éducation. Que faire pour lutter contre le fort taux d’échec scolaire dont souffre notre département ?

    Je pense que c’est une politique nationale qui doit soutenir l’éducation, garantir les moyens et se fixer un calendrier pour l’amélioration des résultats, notamment avec la présence d’adultes dans les établissements scolaires pour lutter contre un certain nombre de dérives. Mais vous savez, c’est dans les familles que se joue l’éducation très souvent. Tout se tient.

    Il y a un problème plus concret, les syndicats revendiquent notamment un plan de rattrapage de postes car ici, contrairement à la métropole, on ne ferme pas les écoles dans les campagnes ?

    Je ne vais pas multiplier les promesses. A la Réunion, ça fait des années et des années que des candidats se promènent avec des promesses. Ça fait des années et des années que ces promesses ne sont pas respectées. Moi je veux être différent. Je ne veux pas promettre à crédit des dépenses, des subventions et des aides qui ne seront pas respectées.
    Certes, mais l’éducation comme dans d’autres domaines a besoin de mesures concrètes ?

    Il faudra le faire dans un pays où on aura à peu près retrouvé l’équilibre des finances publiques. Je l’ai dit, pour moi, l’éducation sera la priorité des priorités. C’est le domaine que je favoriserai même s’il faudrait que je fasse des économies ailleurs.

    En janvier dernier, la Région et le gouvernement de Villepin ont signé un protocole d’accord de plus de 2,3 milliards d’euros pour financer la route du littoral et le tram-train. Jean-Paul Virapoullé, sénateur UMP et président de la Relève parle “d’accord bidon”. Est-ce votre avis ?

    Je pense que, comme toujours, le gouvernement a signé d’autant plus facilement qu’il était sûr que ce ne serait pas lui qui l’aurait à l’appliquer. Ça fait partie comme toujours des chèques en blanc. Mais moi je pense important le travail qui est à faire pour les liaisons à la Réunion.

    Si vous êtes élu Président de la République, respecterez-vous cet engagement ? Oui, je respecterai l’engagement, mais je demande à en connaître le contenu exactement. Pour l’instant, n’étant pas Président, je ne le connais pas au mot près, mais bon, mon intention est de respecter tous les engagements de l’Etat.

    Vous disiez vous-mêmes que l’Etat est ruiné. S’il n’a pas par exemple les moyens de sauver Airbus et 10 000 emplois où trouvera-il les moyens pour financer le tram-train ?

    Cela n’a rien à voir. La situation d’Airbus est une situation choquante parce qu’elle provient du mélange de la politique et de l’industriel. Cela a fait que des décisions industrielles qui auraient dû être prises ne l’ont pas été pour des raisons politiques. Et c’est l’Etat qui a trinqué dans tout ça. Ce sont les Français qui trinquent. L’Etat a vu 600 millions d’euros disparaître en fumée, après avoir racheté des actions le jour de la veille même où elles allaient s’effondrer. Il faut donc remettre la France en ordre. On ne fera pas avancer la Réunion si la France n’est pas remise en ordre. Moi j’ai une vision pour tout le territoire national en même temps que pour l’Outre-mer.
    Là, il faut se référer à votre programme national ?

    Tout à fait, il est en vente dans toutes les bonnes librairies. Il s’appelle “Projets d’espoir”, il est disponible sur internet (www.bayrou.fr).
    Avez-vous déjà reçu la plateforme de propositions de l’Alliance ?
    Non.

    J’ai regardé votre planning pour la Réunion, il n’y a pas d’arrêt prévu à la Région. Vous n’irez donc pas faire la bise à Paul Vergès ?

    Je trouve qu’à la Réunion, il y a eu tellement de simagrées dans tous les sens, chacun faisant des grâces à tout le monde à l’encontre même des lignes politiques lisibles par les gens. Il y a une espèce de perpétuelle compromission. Je veux me tenir à l’écart de tout ça. Je respecte les hommes, mais je ne veux pas jouer à ce genre de jeu. Je ne veux pas aller faire ce que Sarkozy a fait pour le dire clairement. Pareil pour Ségolène Royal. Je n’en ai pas envie. Je veux être différent de ces gens.

    En tirant à boulets rouges aussi bien sur la droite que sur la gauche, ne craignez-vous pas de semer le trouble dans l’esprit de l’opinion publique en paraissant comme le “candidat de la confusion” ?

    Le trouble dans l’esprit de l’opinion publique, il est profond parce que ce sont les gens qui vivent les difficultés de la vie. Ils sont dans leur vie de tous les jours. Ils ont tellement de difficultés, ils voient que la France ne s’en sort pas et que depuis 25 ans l’UMP et le PS nous ont conduits dans l’état où nous en sommes. Il est temps de se réunir, arrêtons ces jeux. Je suis pour qu’on choisisse un peu d’espérance et pas seulement la désastreuse attitude qui est la leur depuis des années.
    Ségolène Royal vous accuse “d’endormir les Français” avec “des discours consensuels” et du “blabla”. Que lui répondez-vous ?
    Quand on en est à dire des choses comme ça, c’est qu’on ne va pas très bien.
    Quel est votre principal adversaire dans cette campagne : Ségolène Royal ou Nicolas Sarkozy ?
    Mon principal adversaire, c’est la désespérante manière dont ils font de la politique depuis des années.
    Etes-vous un homme politique de droite ou de gauche ?
    Je suis du centre.

    Thierry Robert, délégué départemental de l’UDF-Réunion a déclaré récemment “que l’on ne va pas reconstruire l’UDF local avec ceux qui l’ont laissé en ruines”. Qu’en pensez-vous ?
    Je pense qu’il y a du bon sens dans cette déclaration. À votre avis, qui visait-il ?

    C’est la question suivante : quelles sont vos relations avec Jean-Paul Virapoullé, dont le mouvement la Relève semble tenter un rapprochement avec l’UDF, surtout depuis votre percée dans les sondages ?

    (Rires). Cher Monsieur, la réponse est dans votre question. Je ne suis pas un homme de compromissions, d’allers-retours, de négociations secrètes, de coups tordus. Je suis quelqu’un qui croît en ce qu’il fait. J’avais annoncé à tout le monde que l’UMP serait une catastrophe. Chacun a pris ses responsabilités pour des raisons qui les concernent. Moi en tout cas, je n’ai aucune intention d’en revenir à ce brouillard perpétuel dans lequel vivent un certain nombre d’hommes politiques. Je ne dis pas ça spécialement pour la Réunion.

    C’est sans doute votre dernier voyage avant le premier tour de la présidentielle, qu’allez-vous dire aux Réunionnais pour essayer de les convaincre ?

    Je vais leur dire que si vous avez vraiment envie de changer, si de ces attitudes politiques que nous avons connues depuis 25 ans en métropole et à la Réunion, vous en avez par-dessus la tête, alors il y a maintenant une vraie chance d’obtenir un changement, un rassemblement pour redresser le pays. Au fond, dans le nom de la Réunion, il y a un programme. C’est le programme nécessaire pour la France.
    Propos recueillis par Yves Mont-Rouge
    Le Journal de l'Île de la réunion


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  • Alors que les opposants à François Bayrou mettent en doute, comme dernier argument de campagne, ses capacités à rassembler une majorité en cas d'élection, cette question de la future majorité se pose en réalité avec la même acuité pour les trois favoris de l'élection présidentielle.

    L'irruption de François Bayrou et de sa proposition de gouvernement de rassemblement au centre du débat présidentiel et l'adhésion d'une majorité de Français à ce projet sont venus bouleverser le paysage politique français jusqu'ici bâti sur le vieux clivage droite-gauche. Quel que soit le vainqueur, la future majorité ne pourra se constituer sur cette base devenue obsolète et rejetée par les électeurs. D'une certaine façon, François Bayrou a ainsi déjà réussi une partie de son pari. Il est d'ailleurs surprenant de constater que les habituels observateurs de la vie politique, qui mettent en avant leur perplexité quant à ce projet de rassemblement, ne questionnent pas les deux autres favoris, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, sur leur future majorité de gouvernement. Car en réalité, leur tâche s'avère au moins aussi complexe, en raison de l'hétérogénéité même du PS et de l'UMP, dont la cohésion ne repose que sur un système bipolaire.

    Pour Nicolas Sarkozy tout d'abord, le problème semblait simple. Dans le cas d'un duel vainqueur contre la candidate socialiste, il aurait constitué une majorité de droite classique, avec une forte composante UMP et quelques strapontins pour l'UDF, fonctions du score de son président qui, selon lui, ne devait pas dépasser 10 à 12%. C'est d'ailleurs cette hypothèse qu'avaient joué les quelques déserteurs de l'UDF comme André Santini ou Christian Blanc, espérant toucher les dividendes de leur ralliement précoce au président de l'UMP.

    A 20% ou plus, le score de François Bayrou ruine cette hypothèse. Pour gagner, Nicolas Sarkozy ne peut plus compter sur un simple désistement automatique de la part d'un candidat et de son électorat qui se revendiquent au-delà des clivages. Selon toute vraisemblance, François Bayrou n'appellera pas à voter Sarkozy au second tour s'il n'est pas lui-même présent. Nicolas Sarkozy ne pourrait donc pas revendiquer plus que son score de premier tour comme électeurs adhérant à son projet. Et il est fort peu probable que ces derniers accepteraient, comme en 2002 et forts de ce souvenir, de redonner une majorité absolue à l'assemblée aux candidats UMP, qui devraient affronter les troupes du nouveau parti démocrate de François Bayrou dans toutes les circonscriptions.

    Nicolas Sarkozy se retrouverait donc face à un double choix :

    1. Tenter de passer en force, d'obtenir une majorité absolue UMP aux législatives, avec le risque élevé de se retrouver en minorité, et ce d'autant que, contraint de radicaliser son discours à droite, la partie la plus modérée de l'UMP pourrait avoir rejoint le parti de Bayrou. Il pourrait donc se trouver face à une cohabitation d'un nouveau type avec un parlement constitué d'une forte minorité socialiste et un parti démocrate arbitre.
    2. Passer un accord avec François Bayrou en échange d'une modification profonde de son projet, du passage à la VIe république et d'un gouvernement de rassemblement qui serait sinon ouvert à la gauche, du moins très élargi, où là aussi l'UMP perdrait de l'influence au profit du nouveau parti démocrate.

    Cette seconde hypothèse disparaît même probablement en cas de victoire de Nicolas Sarkozy non pas contre Ségolène Royal mais contre François Bayrou au second tour. Dans ce dernier cas, à moins d'obtenir une majorité absolue pour l'UMP désormais tirée sur sa droite, on se retrouverait dans une cohabitation douloureuse où parti Pémocrate et Parti socialiste, peut-être recomposé, pourraient s'associer pour gouverner.

    Pour Ségolène Royal, le problème est aussi complexe, notamment en raison de la disparition quasi totale de partenaires à gauche. Les Verts et le PC étant en déliquescence, aucune majorité représentative de gauche n'existe plus en France. En cas de victoire contre Nicolas Sarkozy, il serait donc tout aussi difficile pour le PS d'obtenir une majorité absolue au parlement, en raison de la présence des candidats du Parti démocrate. Même en cas de victoire, cette majorité de députés ne représenterait dans tous les cas qu'une minorité de Français. Cette situation, semblable à celle de l'UMP de 2002, entraînerait sans doute les mêmes effets de rejet au sein de la population. Ségolène Royal se trouverait donc aussi face à ce double choix :

    1. Tenter de gouverner seule en maintenant la position actuelle du PS, opposé à toute possibilité d'alliance avec le futur Parti démocrate de François Bayrou sur la base de la position définie durant les années 60 du parti contre tout accord avec les centristes. On peut se demander quelles seraient les conséquences politiques du maintien de ce dogme et la tentative de retour à une « majorité plurielle » où PC et Verts ne seraient que des faire-valoir.
    1. Accepter, sous la pression des sociaux-démocrates, de transiger avec François Bayrou, ce qui pourrait provoquer l'éclatement du PS, l'aile dure refusant cette solution.

    La situation serait d'autant plus difficile si la candidate du PS vainquait François Bayrou au second tour. Dans ce cas, la possibilité d'une cohabitation à l'envers ne serait pas à exclure si le PS tentait lui aussi de passer en force.

    Ainsi, on peut donc légitimement poser la question tout autant à Ségolène Royal qu'à Nicolas Sarkozy : en cas de victoire et de refus de gouvernement de rassemblement avec le parti de François Bayrou, avec quelle majorité gouvernerez-vous ?

    Paradoxalement, la situation est plus simple pour François Bayrou en cas de victoire, même si elle diffère en fonction de son opposant de second tour. Il dispose en effet d'un atout que ses concurrent directs n'ont pas : le soutien d'une large majorité de la population pour son projet de rassemblement. Investi par le suffrage universel, il ne fait guère de doutes que François Bayrou pourra obtenir une majorité à l'Assemblée nationale, sur la base de ralliements des responsables de gauche et de droite modérée. La question est alors de savoir si cette majorité serait composée du seul nouveau parti démocrate ou d'une nouvelle coalition. Pour des raisons évidentes de rupture avec l'ancien système de domination par un seul parti, c'est cette seconde option qui semble la plus logique. A côté de ce parti démocrate qui rassemblerait donc, en plus de l'UDF actuelle, des courants encore peu structurés (partis écologiques comme CAP21 et les écologistes neutres ; mouvement républicain de Nicolas Dupont-Aignan etc...), deux solutions semblent possibles :

    1. François Bayrou remporte l'élection face à Nicolas Sarkozy. Cette victoire étant acquise grâce aux suffrages de la gauche, elle impose un Premier ministre de gauche modérée et une alliance avec un parti de gauche. Le parti démocrate demeure donc un parti plutôt de centre-droit, qui s'allie avec un nouveau parti social démocrate. Il est en effet probable que dans ce cas, le PS explose, son secrétaire général n'ayant pu assurer une présence au second tour et perdant ainsi toute autorité sur le parti. La partie sociale démocrate acceptera de gouverner avec un président légitimé par les électeurs de gauche, tandis que les socialistes orthodoxes pourront former un nouveau parti antilibéral d'opposition dans lequel pourrait se fondre le mouvement altermondialiste, voire le PC. A droite, l'UMP perdrait sans doute au profit du parti démocrate une partie des modérés et redeviendrait un parti de droite conservatrice classique au sens européen.
    2. En cas de victoire contre Ségolène Royal, François Bayrou se retrouve dans la situation inverse. Son Parti démocrate devient un parti de centre gauche avec le ralliement de personnalités de gauche modérée, tandis que c'est l'UMP qui implose. Désavoué par son camp en raison de son absence au second tour, Nicolas Sarkozy ne pourra empêcher la partie de droite modérée de l'UMP de s'allier avec le vainqueur. L'ancienne UMP se retrouvera donc coupée en deux, avec une partie libérale d'opposition et une partie plus gaulliste traditionnelle au gouvernement.

    Il faut souligner que le passage à un système électoral dans lequel 50% des députés seront élus à la proportionnelle, comme proposé par François Bayrou, favorisera cette recomposition. Les candidats ne seront plus obligés d'appartenir à l'un des deux grands partis pour être sûr d'être élus, tandis que le maintien d'une part de scrutin majoritaire garantira la constitution de majorités de coalition stables, sans doute constituées de deux courants principaux.

    On le constate, la situation serait sans doute plus confortable pour François Bayrou en cas de victoire que pour Nicolas Sarkozy ou Ségolène Royal, dans le cas où François Bayrou parviendrait à conserver un score voisin de 20%. Quel que soit le résultat final, ce dernier a déjà réussi une prouesse, celle de bouleverser la structure politique française, car ni l'UMP ni le PS ne sortiront indemnes de cette élection. En effet, tous deux sont profondément divisés en leur sein. Le Parti socialiste est tiraillé entre sociaux-démocrates pro-européens et antilibéraux étatistes et demeure figé dans un positionnement politique hérité du programme commun. Quant à l'UMP, il résulte d'un agglomérat entre libéraux partisans d'une société à l'anglo-saxonne, héritiers du gaullisme et transfuges démocrates-chrétiens de l'UDF. L'émergence de François Bayrou et de son projet alternatif vient peser sur ces lignes de fracture.

    Après avoir gagné la bataille des projets, puisque aussi bien celui de Ségolène Royal que celui de Nicolas Sarkozy sont considérés par la majorité des Français comme irréalistes, il reste à François Bayrou à faire sauter cette dernière digue derrière laquelle s'arc-boutent les tenants d'un système bipolaire : la faisabilité de son projet de rassemblement. Selon que le président iconoclaste de l'UDF parviendra ou non à convaincre les électeurs de cette faisabilité, il aura ou non réussi totalement son pari qui semblait si insensé il y a à peine 6 mois. Mais soyons réalistes, si cette digue, déjà fissurée par le ralliement de personnalités comme Corinne Lepage, Azouz Begag ou bientôt Nicolas Dupont-Aignan, ne se brise pas en 2007, elle ne tiendra plus très longtemps face au désir de changement des électeurs. L'émergence d'un nouveau courant politique, tendu vers la résolution des problèmes plutôt que l'affrontement idéologique, est en soi-même une révolution qui fait entrer la France dans une nouvelle époque. D'une certaine façon, François Bayrou est déjà rentré dans l'histoire politique de ce pays.


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  • La dynamique de campagne dont bénéficie le président de l'UDF contrarie la perspective d'un duel final opposant Ségolène Royal à Nicolas Sarkozy. Afin de comprendre le "phénomène Bayrou", nous avons demandé aux membres de notre panel "Objectif 2007" ayant l'intention de voter pour lui de nous exposer les raisons de leur choix. L'analyse de leurs verbatims apporte un éclairage pour le moins original sur le vote Bayrou chez les internautes.

    Les "héritiers" du général du Gaulle présentent fréquemment l'élection présidentielle comme la rencontre d'un homme avec le peuple français, le premier se devant de dépaser les clivages partisans structurant traditionnellement la vie politique française. Sur ce point, les motivations du vote Bayrou chez les internautes (cf. note méthodologique infra) invitent à ne pas négliger cette dimension peut être trop vite oubliée par certains. Plus précisément, les intentions de vote exprimées en faveur de François Bayrou se structurent autour de trois éléments-clés.


    Les qualités personnelles du candidat.

    En premier lieu, François Bayrou bénéficie de traits d'image particulièrement favorables. A cet égard, les références tant à l'honnêteté du candidat qu'à sa sincérité s'avèrent nombreuses et laissent paraître en creux les représentations négatives associées par ses électeurs à Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy. Plus suprenant, on notera également la capacité du candidat centriste à incarner une certaine "force tranquille" à même de rasssurer des électeurs que les actes et/ou les propos de Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy peuvent inquiéter.

    "Seul candidat qui me paraisse sincère, convaincu, désinteressé." (Homme, 50-64 ans, sympathisant socialiste)

    "Le plus crédible." (Homme, 50-64 ans, sympathisant socialiste)

    "Honnête, responsable, réaliste." (Homme, 18-24 ans, sympathisant UDF)

    "Pour sa pondération, son envie de changer les choses et sa sagesse." (Femme, 35-49 ans, sympathisant UDF)

    "Son langage de vérité en rupture avec les habitudes électoralistes. Son courage et sa constance dans ses opinions." (Homme, 65 ans et plus, sympathisant MPF)

    "Sincère, objectif, réfléchi, charisme." (Femme, 18-24 ans, sans préférence partisane)

    "Un candidat qui se met au niveau des Français et qui ne fait pas d'attaques directes de ses adversaires, contrairement à eux !" (Homme, 25-34 ans, sans préférence partisane)

    Le réalisme et la crédibilité de son projet présidentiel.

    Les propositions programmatiques de François Bayrou apparaissent comme le deuxième élément constitutif des intentions de vote exprimées en sa faveur par les internautes. En effet, ces derniers les jugent réalistes et affirment apprécier un candidat qui, de leur point de vue, ne cède pas à la tentation de faire plaisir à tout le monde. De part cette posture, le candidat centriste parvient à se distinguer positivement de ses principaux adversaires.

    "Son discours me parait réaliste, moins démagogique que les autres." (Femme, 50-64 ans, sympathisant socialiste)

    "Le seul qui ne fasse pas de promesses extravaguantes." (Homme, 18-24 ans, sympathisant UDF)

    "C'est le seul qui ne fait pas la course aux voix des électeurs par le biais de promesses inconsidérées. Il propose de faire travailler ensemble les personnes de bonne volonté pour faire enfin sortir la France de l'ornière dans laquelle le bipartisme l'a conduite." (Homme, 35-49 ans, sympathisant UMP)

    "Il croit en ses projets et propose des solutions qui ont le mérite d'être crédibles et réalisables." (Homme, 18-24 ans, sans préférence partisane)

    "Ses promesses sont réalistes, il parait plus "proche des gens" que les candidats de gauche et de droite, et surtout il ne s'enfonce pas dans le clivage improductif." (Homme, 18-24 ans, sans préféfence partisane)

    Le refus du clivage gauche-droite.

    Enfin, la volonté clairement affichée par François Bayrou de dépasser le traditionnel clivage gauche-droite suscite une adhésion massive, bien au-delà des rangs de l'UDF. Dans un contexte de défiance politique élevée à l'encontre de la gauche et de la droite gouvernementales, on est frappé par l'attrait exprimé par de nombreux sympathisants du Parti socialiste et de l'UMP mettant en exergue la volonté de candidat de gouverner avec "les meilleurs".

    "Parce qu'il veut sortir la France de l'éternel clivage Gauche/Droite, que ni la Gauche au pouvoir et encore moins la Droite ne m'ont satisfaite." (Femme, 35-49 ans, sympathisant socialiste).

    "La possibilité de travailler avec la gauche ET la droite." (Homme, 35-49 ans, sympathisant socialiste)

    "Il est le seul à parler des très graves difficultés de notre pays et d'envisager de les faire mettre à plat par des individus compétents et de bonne volonté d'horizons politiques divers." (Femme, 50-64 ans, sympathisant UDF)

    "C'est le seul candidat à prôner une union nationale. Ras-le-bol des clivages politiques gauche/droite qui ne pensent qu'a leur parti rerspectif et non aux Français(es)." (Homme, 50-64 ans, sympathisant UDF)

    "Le changement, le rassemblement et l'utilisation des meilleurs compétences de droite et de gauche." (Homme, 25-34 ans, sympathisant UMP)

    "Pour que les bonnes solutions de droite et de gauche puissent peut être se réaliser." (Homme, 65 ans et plus, sympathisant UMP)

    "Sa volonté de s'affranchir des clivages droite/gauche pour gouverner la france avec toutes les bonnes volontés de la nation afin de sortir cette dernière de sa situation d'inertie et d'engager les véritables réformes pour réhausser notre pays afin qu'il puisse retrouver toute sa place et sa grandeur." (Homme, 25-34 ans, sympathisant UMP)

    "C'est un candidat qui peut rassembler les élites et fédérer les énergies pour permettre à la France de sortir de l'impasse dans laquelle les différents pouvoirs en place l'on conduite." (Homme, 50-64 ans, sans préférence partisane"

    Méthodologie : les verbatims des internautes sont issus de l'enquête mensuelle "Objectif 2007" réalisée par www.election-presidentielle.fr du 1er au 7 mars 2007. Aux internautes répondant avoir l'intention de voter pour François Bayrou au premier tour de l'élection présidentielle, a été posée la question suivante : "Pour quelle(s) raison(s) envisagez-vous de voter pour François Bayrou au premier tour de l'élection présidentielle ?" Au total, 242 électeurs de François Bayrou nous ont répondu.

    Les ressorts du vote Bayrou chez les internautes ?


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  • "La France d'en bas", une association créée par des buralistes et commerçants alsaciens qui avait présenté une liste aux élections régionales de 2004, appelle à voter pour François Bayrou à l'élection présidentielle.

    L'association "La France d'en bas" choisit François Bayrou  

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  • René Sylvestre est le patron du journal L'Etudiant et du salon du même nom, qui se tenait la semaine dernière à Paris. Il y a reçu ce dimanche deux candidats à la présidentielle, Ségolène Royal et François Bayrou.

    Cliquer ici René Sylvestre parle de Bayrou


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