• Bayrou dévoile sa vision pour la Réunion (Source le Journal de l'Ile la Réunion)

    23 mars 2007

    Continuité territoriale, logement, éducation, développement économique... Dans une interview par téléphone accordée, hier soir, au Journal de l’île, avant de prendre l’avion, le candidat centriste, qui arrive dans le département ce matin, précise quelques mesures de son projet pour la Réunion. Il insiste surtout sur le fait qu’il veut “être différent” de Nicolas Sarkozy et de Ségolène Royal, “ça fait des années et des années que des candidats se promènent avec des promesses qui ne sont pas respectées. Avec moi, il y a une vraie chance d’obtenir un changement”.



    Dans un sondage Ipsos-Journal de l’île, paru samedi dernier, vous arrivez troisième, mais très loin derrière Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, alors qu’en métropole vous êtes à 20% et plus. Comment expliquez-vous ce décalage entre l’hexagone et la Réunion ?

    Parce qu’on est encore à un mois de l’élection et que les mouvements d’opinion se font assez tard. Vous vous souviendrez que c’est 5 fois plus que ce que j’avais fait à la Réunion en 2002. Je sais que les Réunionnais reconnaîtront celui qui, au fond, est le plus proche d’eux.

    Ça ne suffit pas pour gagner une élection. Pourriez-vous être un peu plus concret ? En décembre dernier lorsque vous étiez dans l’île, vous aviez promis aux Réunionnais de revenir pendant la campagne avec un programme spécifique pour la Réunion. Est-il prêt ?

    Oui bien sûr ! J’ai promis de revenir parce que je sais qu’il est nécessaire pour les Réunionnais comme pour tous les autres Français d’Outre-mer de sentir un lien de proximité et de compréhension avec leurs élus et notamment avec le Président de la République. Je suis venu très souvent à la Réunion et les Réunionnais savent que ce n’est pas en tant qu’électeur que je les regarde. Je les regarde en tant que citoyens français, je ne viens pas seulement dans les circonstances électorales. Je viens tout au long des années parce que j’aime l’île et son mode de vie, parce que j’aime ses valeurs au fond. Ce n’est pas pour faire semblant que je viens à la rencontre des Réunionnais. Je ne considère pas la Réunion comme une réserve de voix électorale.
    Tout cela ne nous dit toujours rien sur votre programme. Quelles en sont les mesures phares ?
    On va aller à l’essentiel. D’abord pour l’ensemble de l’Outre-mer, premièrement, je suis pour l’impartialité de l’Etat.
    C’est-à-dire ?

    C’est-à-dire que l’Etat ne soit pas engagé auprès d’un clan ou d’un autre. L’Etat doit être honnête, droit. Qu’il respecte l’Outre-mer sans favoriser tel ou tel...
    C’est le cas actuellement, selon vous ?

    Vous avez peut-être observé l’actualité de la Réunion. Moi, j’en sais rien. Deuxièmement, priorité à la continuité territoriale. Il faut mettre en place toutes les conditions pour que, entre la Réunion et la métropole, ce soit, en particulier pour les étudiants ou pour les déplacements familiaux, moins cher. Quand il s’agit d’aller faire du tourisme, c’est autre chose. Tous ceux qui, habitant à la Réunion ne peuvent pas voir leur famille, parce que ça coûte trop cher de leur rendre visite. Idem pour tous ceux, réunionnais, vivant en métropole. C’est un vrai problème. Par exemple, l’effort que l’Etat fait en Corse, il est nécessaire d’y penser pour la Réunion. Et puis peut-être l’organisation des créneaux, le fait que l’on puisse offrir d’autres possibilités de liaisons aériennes. Peut-être en pensant à la Réunion comme un “hub océan Indien”, c’est-à-dire comme une plaque tournante pour l’océan Indien.

    Vous parlez de l’aérien, mais on est également loin de l’égalité tarifaire avec la métropole en matière notamment de télécommunications ?

    En matière de télécommunications et plus précisément en matière d’accès à internet, on devrait avoir accès à des coûts moindres à ces moyens de communication. Je ferais tout pour que les coûts et la qualité soient comparables avec ce qui se fait en métropole.

    Toujours dans le cadre de votre projet pour l’Outre-mer, qu’avez-vous prévu comme mesures phares dans le domaine économique. Nicolas Sarkozy propose par exemple de conserver la défiscalisation et d’instaurer une zone franche globale pour créer des emplois, qu’en pensez-vous ?

    Je l’ai dit en décembre dernier dans votre journal, je suis pour une zone franche globale. Je suis pour une ZFG, qui permettra à la Réunion de saisir ses chances sans être défavorisée par le déséquilibre posé par une société qui est heureusement de haut niveau social avec les coûts que cela comporte.

    La vie reste chère dans l’île et, dans le même temps, le pouvoir d’achat des Réunionnais dont 30% vivent de minima sociaux, n’augmente pas vraiment. Par quels mécanismes comptez-vous y remédier ?

    Ah oui, je sais bien. Il y a une chose que je veux vous dire : j’ai placé toute ma campagne sous le signe de la responsabilité. Je n’ai fait aucune promesse que je ne tiendrai pas. Quiconque va vous faire des promesses, en réalité, vous ment. Comme vous le savez, l’Etat est ruiné. Il faut donc trouver des moyens pour que l’île se développe et ces moyens ne seront pas des chèques signés par l’Etat. Quiconque vous dit le contraire vous ment, et moi je ne mentirai pas aux Réunionnais. Donc, il faut améliorer le pouvoir d’achat avec des mesures générales. Moi par exemple, je suis pour inciter les entreprises à partager une part de leurs bénéfices à la fin de l’année avec leurs salariés. De même que je suis pour permettre à chaque entreprise de créér deux emplois nouveaux sans avoir à créér de charges, ce qui est un moyen de remonter les salaires. Et pour ceux qui ont le moins d’argent, je suis pour que le minimum vieillesse - la majorité des retraités de la Réunion - soit remonté en cinq ans à 90% du Smic.

    Que préconisez-vous pour une relance de la politique du logement social à la Réunion : 26 000 demandes en attente contre 3 000 constructions seulement par an ?

    Je suis pour que la défiscalisation soit orientée en direction du logement social. La dernière fois que j’étais venu, j’avais inauguré des maisons d’accession à la propriété. Je suis pour qu’on multiplie les formules de cet ordre. Le logement social est un des sujets le plus important pour la Réunion et, pour moi, il s’agit d’un sujet-phare du travail que nous avons à accomplir à la Réunion.
    Autre sujet important, l’éducation. Que faire pour lutter contre le fort taux d’échec scolaire dont souffre notre département ?

    Je pense que c’est une politique nationale qui doit soutenir l’éducation, garantir les moyens et se fixer un calendrier pour l’amélioration des résultats, notamment avec la présence d’adultes dans les établissements scolaires pour lutter contre un certain nombre de dérives. Mais vous savez, c’est dans les familles que se joue l’éducation très souvent. Tout se tient.

    Il y a un problème plus concret, les syndicats revendiquent notamment un plan de rattrapage de postes car ici, contrairement à la métropole, on ne ferme pas les écoles dans les campagnes ?

    Je ne vais pas multiplier les promesses. A la Réunion, ça fait des années et des années que des candidats se promènent avec des promesses. Ça fait des années et des années que ces promesses ne sont pas respectées. Moi je veux être différent. Je ne veux pas promettre à crédit des dépenses, des subventions et des aides qui ne seront pas respectées.
    Certes, mais l’éducation comme dans d’autres domaines a besoin de mesures concrètes ?

    Il faudra le faire dans un pays où on aura à peu près retrouvé l’équilibre des finances publiques. Je l’ai dit, pour moi, l’éducation sera la priorité des priorités. C’est le domaine que je favoriserai même s’il faudrait que je fasse des économies ailleurs.

    En janvier dernier, la Région et le gouvernement de Villepin ont signé un protocole d’accord de plus de 2,3 milliards d’euros pour financer la route du littoral et le tram-train. Jean-Paul Virapoullé, sénateur UMP et président de la Relève parle “d’accord bidon”. Est-ce votre avis ?

    Je pense que, comme toujours, le gouvernement a signé d’autant plus facilement qu’il était sûr que ce ne serait pas lui qui l’aurait à l’appliquer. Ça fait partie comme toujours des chèques en blanc. Mais moi je pense important le travail qui est à faire pour les liaisons à la Réunion.

    Si vous êtes élu Président de la République, respecterez-vous cet engagement ? Oui, je respecterai l’engagement, mais je demande à en connaître le contenu exactement. Pour l’instant, n’étant pas Président, je ne le connais pas au mot près, mais bon, mon intention est de respecter tous les engagements de l’Etat.

    Vous disiez vous-mêmes que l’Etat est ruiné. S’il n’a pas par exemple les moyens de sauver Airbus et 10 000 emplois où trouvera-il les moyens pour financer le tram-train ?

    Cela n’a rien à voir. La situation d’Airbus est une situation choquante parce qu’elle provient du mélange de la politique et de l’industriel. Cela a fait que des décisions industrielles qui auraient dû être prises ne l’ont pas été pour des raisons politiques. Et c’est l’Etat qui a trinqué dans tout ça. Ce sont les Français qui trinquent. L’Etat a vu 600 millions d’euros disparaître en fumée, après avoir racheté des actions le jour de la veille même où elles allaient s’effondrer. Il faut donc remettre la France en ordre. On ne fera pas avancer la Réunion si la France n’est pas remise en ordre. Moi j’ai une vision pour tout le territoire national en même temps que pour l’Outre-mer.
    Là, il faut se référer à votre programme national ?

    Tout à fait, il est en vente dans toutes les bonnes librairies. Il s’appelle “Projets d’espoir”, il est disponible sur internet (www.bayrou.fr).
    Avez-vous déjà reçu la plateforme de propositions de l’Alliance ?
    Non.

    J’ai regardé votre planning pour la Réunion, il n’y a pas d’arrêt prévu à la Région. Vous n’irez donc pas faire la bise à Paul Vergès ?

    Je trouve qu’à la Réunion, il y a eu tellement de simagrées dans tous les sens, chacun faisant des grâces à tout le monde à l’encontre même des lignes politiques lisibles par les gens. Il y a une espèce de perpétuelle compromission. Je veux me tenir à l’écart de tout ça. Je respecte les hommes, mais je ne veux pas jouer à ce genre de jeu. Je ne veux pas aller faire ce que Sarkozy a fait pour le dire clairement. Pareil pour Ségolène Royal. Je n’en ai pas envie. Je veux être différent de ces gens.

    En tirant à boulets rouges aussi bien sur la droite que sur la gauche, ne craignez-vous pas de semer le trouble dans l’esprit de l’opinion publique en paraissant comme le “candidat de la confusion” ?

    Le trouble dans l’esprit de l’opinion publique, il est profond parce que ce sont les gens qui vivent les difficultés de la vie. Ils sont dans leur vie de tous les jours. Ils ont tellement de difficultés, ils voient que la France ne s’en sort pas et que depuis 25 ans l’UMP et le PS nous ont conduits dans l’état où nous en sommes. Il est temps de se réunir, arrêtons ces jeux. Je suis pour qu’on choisisse un peu d’espérance et pas seulement la désastreuse attitude qui est la leur depuis des années.
    Ségolène Royal vous accuse “d’endormir les Français” avec “des discours consensuels” et du “blabla”. Que lui répondez-vous ?
    Quand on en est à dire des choses comme ça, c’est qu’on ne va pas très bien.
    Quel est votre principal adversaire dans cette campagne : Ségolène Royal ou Nicolas Sarkozy ?
    Mon principal adversaire, c’est la désespérante manière dont ils font de la politique depuis des années.
    Etes-vous un homme politique de droite ou de gauche ?
    Je suis du centre.

    Thierry Robert, délégué départemental de l’UDF-Réunion a déclaré récemment “que l’on ne va pas reconstruire l’UDF local avec ceux qui l’ont laissé en ruines”. Qu’en pensez-vous ?
    Je pense qu’il y a du bon sens dans cette déclaration. À votre avis, qui visait-il ?

    C’est la question suivante : quelles sont vos relations avec Jean-Paul Virapoullé, dont le mouvement la Relève semble tenter un rapprochement avec l’UDF, surtout depuis votre percée dans les sondages ?

    (Rires). Cher Monsieur, la réponse est dans votre question. Je ne suis pas un homme de compromissions, d’allers-retours, de négociations secrètes, de coups tordus. Je suis quelqu’un qui croît en ce qu’il fait. J’avais annoncé à tout le monde que l’UMP serait une catastrophe. Chacun a pris ses responsabilités pour des raisons qui les concernent. Moi en tout cas, je n’ai aucune intention d’en revenir à ce brouillard perpétuel dans lequel vivent un certain nombre d’hommes politiques. Je ne dis pas ça spécialement pour la Réunion.

    C’est sans doute votre dernier voyage avant le premier tour de la présidentielle, qu’allez-vous dire aux Réunionnais pour essayer de les convaincre ?

    Je vais leur dire que si vous avez vraiment envie de changer, si de ces attitudes politiques que nous avons connues depuis 25 ans en métropole et à la Réunion, vous en avez par-dessus la tête, alors il y a maintenant une vraie chance d’obtenir un changement, un rassemblement pour redresser le pays. Au fond, dans le nom de la Réunion, il y a un programme. C’est le programme nécessaire pour la France.
    Propos recueillis par Yves Mont-Rouge
    Le Journal de l'Île de la réunion


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