• « Je veux aider les PME par un ‘small business act' à la française. »


    Ce sont aujourd'hui les PME qui, en France, créent des emplois. Et pourtant ce sont souvent les oubliées de la politique économique de l'Etat. Au colloque sur l'économie et l'emploi, les 8 et 9 novembre 2006, François Bayrou a proposé d'inverser cette donne et de faire des PME la priorité d'une stratégie économique tournée vers l'innovation et l'esprit d'entreprise.


    « Parce que je considère que les petites et moyennes entreprises sont cruciales pour l'emploi, je suis partisan d'une mesure active de protection de la petite et moyenne entreprise : un small business act à la française. Les Etats-Unis l'ont mis en œuvre pour la vitalité de leur économie, dès 1953, avec une administration légère.


    Trois mots définissent ce small business act à la française : simplification, protection, accès aux marchés publics.


    D'abord, simplification. Les contraintes de l'administration, des impôts, du droit et des procédures sociales sont un vrai labyrinthe. Et l'entreprise de 15 personnes, ou l'artisan qui a un ou deux compagnons, dont la femme assure le quotidien de la comptabilité et des papiers, s'arrache les cheveux devant cette paperasse ! Je veux que la culture de la simplification sorte des mots pour entrer dans la réalité. Pour y arriver, il faut confier la simplification à ceux qui subissent la complexité ; à charge pour eux d'y travailler paritairement.


    Ensuite, protection, notamment des jeunes entreprises. Je propose une protection fiscale : exemption dégressive des premiers exercices bénéficiaires, notamment si l'argent gagné est réinvesti dans l'entreprise ; progressivité de l'impôt sur les sociétés étudiée pour permettre une tranche allégée à 18 %. Je propose également une protection active de la trésorerie de ces entreprises, ou plus exactement de l'équité des marchés, par une diminution des délais de paiement des grandes entreprises et de l'Etat à l'égard des PME.


    Troisièmement, accès aux marchés publics. Une part des marchés publics sera réservée aux PME, par exemple, comme aux Etats-Unis, 20 % du volume total des grands marchés et la totalité des marchés inférieurs à 50 000 €. Il ne me paraît pas possible que l'Europe s'interdise durablement une règle qui est celle des Etats-Unis depuis plus de cinquante ans ! L'opinion publique européenne sera, dans cette affaire, notre alliée. »


  • Le sport au centre de l'éducation


    François Bayrou s'inquiète de la situation du sport scolaire. Il voit dans le service civique des jeunes, et l'activité universelle pour les bénéficiaires de minima sociaux, une opportunité pour que les jeunes aient un encadrement sportif plus nombreux, de l'école à l'université.


    "Le sport est une passion parce qu'il offre une double dimension : symbolique et sociale. Il y une dimension de communauté, de solidarité : on vit ensemble, on porte le même maillot de supporter. Le sport de haut niveau offre à chacun une part de rêve : on va pouvoir dépasser le destin ...


    Dans le sport de haut niveau, le modèle économique existe, mais l'argent ne peut pas être le seul maître du sport. Le modèle de la concurrence financière creuse de plus en plus le fossé entre les clubs têtes de listes et les clubs moyens, y compris dans la première division de football. Cela menace l'intérêt sportif de la compétition, et à terme l'intérêt des spectateurs. Les pouvoirs publics devront ouvrir une réflexion avec le mouvement sportif, en particulier avec les deux sports collectifs qui concentrent le plus d'argent, de droits télévisés.


    L'exigence d'éthique que porte la société française doit être affirmée. Cette exigence s'adresse en premier lieu aux sportifs de haut niveau. Il serait hypocrite de ne prendre la question du dopage que sous l'angle du contrôle et de la sanction : il faut se poser la question des contraintes que nous infligeons aux sportifs, notamment en termes de calendrier et de difficultés des épreuves. Pour ce monde du sport de haut niveau, la médecine du sport doit être une médecine du travail, avec les contraintes de protection du sportif, notamment l'obligation d'allègement du calendrier.


    Il y a un autre sport, qui est le sport de masse : le sport est le premier des mouvements associatifs français. Le problème majeur qui s'y pose est celui d'une meilleure reconnaissance de l'activité des bénévoles.


    Le sport doit être au centre de l'éducation. Aujourd'hui, à l'université il est pratiquement absent. Le sport à l'école primaire est en question. Dans le secondaire, le sport scolaire est en régression. Il y a un besoin très grand d'encadrement, mais on ne pourra créer les dizaines de milliers de postes qu'il faudrait, dans un monde idéal. Je mets donc en relation ce besoin avec l'idée, que je défends, d'un service civique universel pour tous les jeunes, et d'une activité pour tous ceux qui bénéficient de minima sociaux et qui, très souvent, ont des compétences : un certain nombre d'entre eux sont sportifs. Ils peuvent être des encadreurs, des aînés, des animateurs.


    Le handisport doit être reconnu et encouragé : renforcer l'encadrement technique, les installations sportives dans les établissement scolaires et au sein des clubs. Les élèves handicapés sont aujourd'hui dispensés d'activité sportive. Il doivent pouvoir recevoir au contraire une éducation sportive adaptée".


  • "Le droit à la négociation doit être inscrit dans la Constitution."


    Les syndicats sont indispensables à une société autonome. Le débat et la discussion donnent de meilleurs résultats que le passage en force ! Bien avant la crise du CPE, François Bayrou défendait deux principes : l'obligation de négocier et la démocratie sociale.


    "L'État ne peut pas trouver les réponses à la place de la société. L'invention de voies nouvelles nécessite une société de l'autonomie, ce qui implique la séparation des pouvoirs.


    Une société de l'autonomie repose sur la séparation des pouvoirs, la légitimité des partenaires, leur reconnaissance, et donc la transparence. La transparence du financement de la vie syndicale est une question centrale : aujourd'hui, le financement des grandes centrales syndicales, et leurs emplois fictifs, dépendent de leur mainmise sur les organisations qui régissent sécurité sociale et système de formation continue. Je propose de favoriser un syndicalisme d'adhésion. 


    Les politiques ont un rôle à jouer. Nous devons replacer le dialogue social au cœur de nos priorités. C'est ainsi que, dès 2002, j'avais proposé que l'obligation de consulter les partenaires sociaux avant toute réforme du droit du travail soit inscrite dans la Constitution.


    S'agissant du dialogue social, je suis favorable au principe majoritaire* qui responsabilise les partenaires sociaux, pour autant qu'il ne porte pas atteinte au pluralisme syndical. En revanche, je suis très réservé sur la possibilité de déroger par un accord de branche ou d'entreprise à une règle supérieure plus favorable. C'est bouleverser la hiérarchie des normes et risquer une anarchie sociale qui fragilisera la situation des salariés.


    L'organisation du débat public doit avoir lieu, que ce soit sous la forme de commissions ou dans le cadre du Conseil économique et social - au besoin, il faudra le rénover -, afin de mettre en saine confrontation les acteurs économiques et sociaux. Cela permettrait de faire bouger beaucoup de choses."

    * Principe majoritaire : un accord est valide s'il est signé par des syndicats représentant une majorité des salariés. Le principe actuel est qu'un accord est valide
    s'il est signé par au moins un syndicat parmi ceux considérés comme représentatifs.

  • « Sobriété, écologie, grands équipements : une nouvelle approche des transports »


    François Bayrou fixe deux objectifs majeurs pour une politique des transports durable et cohérente : écologie, solidarité entre les territoires et leurs habitants.


    « Une politique des transports doit répondre à l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les enjeux sont immenses : réduire la place de l'automobile, promouvoir l'usage des biocarburants, développer la voiture mixte électrique/thermique — demain tout électrique, espérons-le —, c'est-à-dire tout ce qui est de l'ordre de la sobriété en matière de transports.


    Un plan "Route ECO" encouragera l'allégement des véhicules et la motorisation mixte électrique/thermique. J'ai fait faire par des dizaines de personnes l'expérience de l'affichage obligatoire de la consommation instantanée : on fait 15 % d'économie de consommation, simplement parce que ça entraîne à ne pas pousser les rapports. Et ça ne coûte pas un centime. Enfin, la limitation de la vitesse sur les routes (10 km/h de moins) serait un facteur de sécurité et d'économie très important. Je crois que les gens pourraient l'accepter.


    Dans le cadre d'une politique du développement durable, notre pays a besoin de grands équipements dans le domaine du transport : trains à grande vitesse,
    ferroutage et voies fluviales et maritimes pour transporter le fret en luttant contre l'effet de serre. Ces équipements auraient dû être financés par les revenus des sociétés autoroutières : la privatisation des autoroutes a été contraire à l'intérêt de la France.


    Enfin, je souhaite l'instauration d'un service garanti pour les transports publics réguliers de voyageurs, autrement, 'est la notion même de service public qui est mise par terre ! La loi fixera les règles de la grantie de service public, et laissera le temps d'en négocier les modalités dans les etreprises. »


  • « L'Europe repose sur une unité géographique, historique et sociétale : la Turquie n'est pas européenne. »


    François Bayrou a tenu à le dire à la tribune de l'Assemblée : l'entrée de la Turquie dans l'Europe serait un risque de dissolution du projet européen. Il propose une alternative : une Europe unie coopérant étroitement avec une Communauté de la Méditerranée, dont la Turquie, partenaire privilégié de l'Union, serait le premier maillon.


    « La reconnaissance du génocide arménien, dont nous avons fait une loi de la France, par souci de justice historique, est considérée comme un crime en Turquie, passible de dix ans de prison ! Et on nous dit qu'il n'y a pas de différence démocratique entre la Turquie et l'Europe !La France aurait dû poser comme préalables la reconnaissance du génocide arménien et la reconnaissance de Chypre, utiliser sur ces sujets son droit de veto.


    C'est un sujet historique que celui de l'adhésion de la Turquie. Et sur ce sujet historique, le gouvernement a interdit au Parlement de s'exprimer, au nom d'une conception dépassée d'un prétendu domaine réservé. C'est triste et révélateur pour la démocratie française, et pour le projet européen.


    L'adhésion de la Turquie est un pas vers la dispersion de l'Europe, car un fossé nous sépare, en géopolitique, en démocratie.Deux projets européens s'affrontent. L'un, c'est l'Europe dispersée,n'acceptant que l'unification du marché, celle des normes et des lois ;c'est le point de vue américain. L'adhésion de la Turquie va dans ce sens.


    L'autre projet, c'est l'unité politique, ce sont des institutions démocratiques pour agir ensemble. Et il n'y a pas d'unité politique possible s'il n'y a pas unité culturelle ! Quand M. Barroso déclare « c'est à la Turquie de se plier à l'Europe », cela signifie qu'il s'agit bien de deux modèles différents et que l'un doit céder à l'autre : je ne crois pas que l'on puisse durablement faire plier les cultures et les peuples. Au contraire, l'identité ‘pliée' revient comme un boomerang.


    Je m'inscris en faux contre ceux qui veulent l'entrée de la Turquie pour que l'Europe ne soit pas un "club chrétien" : elle ne l'est pas ! Quinze millions de musulmans vivent sur notre sol, et lorsque des pays européens musulmans, comme la Bosnie,voudront entrer dans l'Union, nous les soutiendrons. Ce n'est pas le christianisme qui a fait l'Europe : l'Europe est la rencontre féconde entre Athènes, Rome et Jérusalem. Et parler d'« Europe chrétienne », c'est ne présenter qu'un bout de cette histoire.


    Je propose une perspective plus fertile. L'Europe libre et forte, que nous défendons, doit bâtir avec les pays de la Méditerranée une communauté plus large,
    euro-méditerranéenne, une communauté d'obligations et d'entraide réciproques, où chacun aiderait l'autre à bâtir la paix et le développement. Communauté dont la Turquie, partenaire privilégié de l'Union, serait le premier maillon.


    La Turquie deviendrait un pont entre l'Orient et l'Occident, entre l'Islam et nos sociétés d'héritage judéo-chrétien et de liberté de pensée. »