• Petit Bayrou est devenu grand (Source LeMonde.fr)

    A quoi voit-on la différence entre un candidat à 6 % et le même à 24 % quelques semaines plus tard ? Au nombre de caméras et d'appareils photo qui l'entourent et de micros qui lui sont tendus. Le suivi de François Bayrou, candidat de l'UDF, par les médias a ainsi épousé une courbe quasi parallèle à celle que dessinent les intentions de vote en sa faveur, depuis l'annonce officielle de sa candidature, le 2 décembre 2006.

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    Ce jour-là, le Ciel avait semblé, déjà, lui ménager ses faveurs. Pour se déclarer candidat à la présidence de la République, le président de l'UDF avait choisi non seulement de le faire depuis le village de Serres-Castet (Pyrénées-Atlantiques), dans son Béarn natal, mais, qui plus est, en plein air, sur la place de la mairie. Faire "descendre" de Paris, un samedi, une escouade de journalistes et d'opérateurs, au risque de devoir les diriger vers un endroit couvert en cas de mauvais temps, le pari était osé. Résultat : cette image qui est restée, sur fond de chaîne pyrénéenne, où le candidat déclaré, entouré de sa famille politique et de ses amis, assume fièrement ses racines rurales.

    Il serait faux d'imaginer que les premiers pas du candidat centriste en campagne se sont faits dans l'indifférence générale. Mais il est vrai qu'on ne s'y bousculait pas. Pour son premier déplacement en tant que candidat déclaré, les 13 et 14 décembre dans l'agglomération lilloise, deux monospaces suffisent, sur place, à transférer les envoyés spéciaux de la presse nationale. A Toulouse, le 5 mars, un car et un minibus avaient été réquisitionnés.

    Boycotté par les médias, François Bayrou ? Non. Mais, incontestablement, l'ensemble du système médiatique s'était installé dans une configuration de duel Royal-Sarkozy. Le Monde n'y a pas échappé. Quand le conseil national de l'UDF approuve son avant-projet législatif, mi-novembre, pas une ligne dans le quotidien du lendemain, qui a consacré en revanche un long papier aux propositions que l'UMP doit adopter trois jours plus tard, avant d'y revenir le lendemain sous la forme d'une page "Document". Un traitement à double vitesse qui a suffi à installer l'idée que le candidat centriste n'avait rien à proposer. Aujourd'hui, avec la montée en puissance de sa campagne et l'écho qu'elle rencontre, changement de pied : il faut analyser le "réalisme" de ses propositions. Il avait donc des propositions !

    Cette nouvelle notoriété est aussi, pour l'équipe du candidat, un élément à gérer. Non seulement parce qu'il lui faut faire en sorte que chacun des professionnels de la presse écrite ou audiovisuelle, régionale, nationale et internationale, puisse travailler dans des conditions correctes, mais parce qu'il lui faut aussi veiller à ce que le candidat ne soit pas submergé.

    Un des épisodes les plus délicats à cet égard fut la visite dans la cité du Val-Fourré, à Mantes-la-Jolie (Yvelines), le 9 février. Pour ce déplacement, des dizaines de journalistes, preneurs de son et d'images avaient pris place dans le RER. A l'étage supérieur de la voiture où est monté le candidat, photographes et cameramen se bousculent pour faire des images. Dans le sas inférieur, Marielle de Sarnez, la directrice de campagne, pressent les difficultés. Avec Philippe Lapousterle, un ancien journaliste devenu le sparring partner de François Bayrou, elle s'inquiète de la manière d'organiser un roulement, sur place, pour que cela ne tourne pas à l'émeute.

    Et tout se passera sans le moindre incident. Sans service d'ordre, sans dispositif policier autour du candidat. A l'arrivée en gare de Mantes-la-Jolie, c'est François Bayrou lui-même qui met bon ordre à la bousculade. "Essayez de vous comporter de manière civilisée, lance-t-il à la nuée de reporters qui se presse autour de lui. Ce n'est pas la peine de bousculer tout le monde..."

    Depuis le début de sa campagne, le candidat centriste a pris grand soin de consacrer tout le temps nécessaire à la presse régionale. Même avec l'afflux récent de journalistes de la presse nationale ou internationale, il ne modifie en rien cette disponibilité. Tout au long d'une visite d'une demi-journée sur le terrain, ce sont des dizaines d'arrêts informels pour répondre aux journalistes. Auxquels s'ajoute, invariablement, un point presse pour faire un premier bilan avant le meeting du soir. Là, c'est lui encore, la plupart du temps, qui en organise le déroulement : "On commence par la presse écrite. On fera après les radios et les télévisions..."

    François Bayrou avait réalisé un coup d'éclat, à la fin de l'été, en s'en prenant à la proximité, et même "l'intimité", le mélange des intérêts entre quelques grandes puissances industrielles dépendant des marchés de l'Etat et les empires de presse, en appelant à la séparation des pouvoirs politique, économique et médiatique. Cette charge violente, doublée d'une fameuse passe d'armes avec Claire Chazal lors d'un journal de 20 heures au sein même de la citadelle TF1, aurait pu suffire à ranger le candidat de l'UDF dans la catégorie des "grognards" dont les médias se méfient. Il se distingue, au contraire, avec les professionnels qui le suivent dans sa campagne, par une disponibilité de tous les instants.

    C'est peut-être tout ce qui fait la différence entre le candidat Bayrou et Nicolas Sarkozy ou Ségolène Royal. Là où les autres imposent une stricte organisation, soucieux d'offrir d'eux-mêmes l'image la plus avantageuse, lui s'en remet à la responsabilité des journalistes, laissant à chacun le maximum de liberté dès l'instant qu'on lui laisse la sienne, n'hésitant pas à remettre en place quand la façon dont se passent les choses ne lui paraît "pas convenable", le tout dans un esprit un peu boy-scout, bazar organisé, mais qui finalement se déroule sans heurts et satisfait tout à la fois les professionnels de la presse et les citoyens à la rencontre desquels François Bayrou prend un évident plaisir et le temps d'aller.

    Les seuls qui fulminent sont les membres de son équipe, qui voient les retards sur les horaires prévus s'accumuler et sont obligés, en permanence, d'adapter l'organisation de ses déplacements.


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  • Commentaires

    1
    Alain C.
    Mercredi 14 Mars 2007 à 12:14
    Halte à la censure !
    Stu-pé-fiant ! Depuis mardi 13 mars, cet article excellent, dont certaines lignes "n'avaient "pas plu" (selon des sources internes au journal) à la direction", est désormais inaccessible sur le site du Monde.fr... Pour saisir le médiateur du journal, écrivez à : Véronique Maurus, le médiateur (mediateur@lemonde.fr), afin faire cesser cet inqualifiable acte de censure sur le web.
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