• Jean-Christophe Lagarde : "Plus d'électeurs, c'est plus de démocratie !"

    Jean-Christophe Lagarde, député-maire de Drancy, était l'invité du Grand Huit sur Direct 8. La campagne électorale qui bat son plein, le nouveau souffle attendu par les Français, incarné par François Bayrou, l'Europe et ses institutions, la stratégie des ralliements, Jean-Christophe Lagarde commente l'actualité et apporte ses lumières sur la campagne de François Bayrou. Il est interrogé sans concession par Valérie Treirwiller et Dominique Souchier.

     

    La première action politique de Jean-Christophe Lagarde, rappelle Valérie Treirwiller, c'est l'arrachage d'une affiche de François Mitterrand. A cette occasion, il reçoit une gifle, et sa conscience politique naît, il sera de droite. Il précise qu'il gardera toujours une rage farouche contre les gens sectaires. Il a toujours cherché à comprendre l'autre. C'est comme cela qu'on progresse, précise-t-il. Sa carrière politique commence avec Raymond Barre. En 1991, il rencontre François Bayrou et ne le quittera plus. En 2001, il est élu maire de Drancy. Un an plus tard, à l'âge de trente-quatre ans, il entre au palais Bourbon où il siège depuis comme député.

    Il réfûte l'idée d'un essouflement de la campagne électorale de François Bayrou. Il explique que trois temps la ponctuent. Le premier consiste à expliquer aux Français qu'ils n'ont pas d'autres choix que Nicolas Sarkozy ou Ségolène Royal, l'UMP ou le PS. Qu'il n'y a même pas besoin de premier tour. Jean-Christophe Lagarde y voit un déni de démocratie. Mais il fait remarquer que ce sont les Français qui ont le pouvoir d'en décider. Le deuxième temps voit un emballement médiatique à propos de l'irruption dans le jeu trop rôdé, de François Bayrou. Les sondages montrent une tendance, il ne faut jamais les regarder au jour le jour. Et la troisième phase fait apparaître un temps de stabilisation de l'électorat en faveur de François Bayrou. Avec un léger tassement, mais une forte augmentation du nombre de personnes décidées de voter pour lui.

    Dans toutes les réunions publiques auxquelles assiste Jean-Christophe Lagarde, dans la rue, dans les cafés, on n'entend pas la même petite musique que dans le monde politico-médiatique. Il pense que les deux concurrents de François Bayrou sont largement surestimés dans les sondages, ce qui fausse l'esprit de l'élection. Mais les Français ne sont pas dupes. On ne peut même plus exclure la présence de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour, malgré la nette distance entre lui et le trio de tête dans ces fameux sondages. L'élection présidentielle se jouera dans un mouchoir de poche, pense-t-il. Même les états-majors de l'UMP et du PS estiment que les sondages créditent leurs champions de scores bien trop flatteurs. Comment peut-on penser que Nicolas Sakozy pourrait atteindre 31% des voix alors que 15% des Français ne sont pas sondables, ne communiquant plus qu'avec des téléphones portables ?

    Les listes électorales ont en plus grossi de deux millions de nouvelles personnes, un record depuis 1981. Il est impossible pour elles aussi de déterminer quel sera leur vote le 22 avril. En brut, François Bayrou, révèle Jean-Christophe Lagarde sort à 27%. Les instituts de sondages effectuent alors une remise à niveau dont seuls eux ont la recette. Jean-Marie Le Pen sort en brut à 5%. Les sondeurs sont obligés de le rehausser à 13% pour essayer de coller à une réalité qui n'est même plus la réalité du moment, on l'a vu le 21 avril 2002. La commission des sondages qui intervient rarement, s'est déjà prononcé sur la profusion de sondages. Nous en sommes déjà 260 alors que pour toute l'élection de 2002, nous en avions vu que 150. Les meilleurs sondages sont finalement ceux du terrain. Dans les réunions publiques, on n'a plus des militants déjà convaincus, mais des gens de tout bord politique qui viennent pour se renseigner.

    Au Zénith de Paris, les forces de l'ordre avaient compté, en dehors des sept mille personnes dans la salle, plus de six mille dehors devant les écrans géants. Des gens qui viennent écouter un discours nouveau, un discours qui ne porte pas sur l'identité nationale, qui ne stigmatise pas, qui se veut au contraire rassembleur. Parce que les Français souhaitent avant tout régler leurs problèmes quotidiens. Le logement, l'éducation, l'emploi, le pouvoir d'achat. Nicolas Sarkozy ou Ségolène Royal font de la surenchère sur des thèmes cache-sexe. Ce n'est pas la Nation qui est un problème, selon le député-maire de Drancy, c'est la Nation qui a un problème ! François Bayrou l'explique très bien dans son livre Projet d'Espoir paru aux éditions Plon. Quand on constitue une Nation comme la Nation française, on doit pouvoir travailler ensemble, espère-t-il. François Bayrou parle de la Nation parce qu'elle est faible ces dernières années.

    La France n'est plus capable de montrer un chemin. Or, l'Europe s'est construite avec une France qui avait cette voie à montrer. La France doit redevenir un pays fort. Les Français savent ce qui les rassemblent. Ils savent ce qu'est d'être Français. Ce n'est pas cela, leur préoccupation. Le plus important aujourd'hui est leur vie quotidienne. L'identité nationale, l'immigration, le nationalisme ne sont que des thèmes pour endormir leur entendement. Mais ils ne s'y laisseront pas prendre.

    On a souvent comparé la stratégie de François Bayrou à celle de François Mitterrand. Or, François Bayrou semble bien plus isolé que lui en 1981. Une idée que conteste formellement jean-Christophe Lagarde. Ce qu'on a pu observer en 1981, c'est qu'une nouvelle génération a émergé, a pris le pouvoir derrière François Mitterrand. Ces nouvelles personnes apportaient une bouffée d'air dans la politique d'alors. Laurent Fabius, par exemple. On a des gens qui sont également la relève à l'UDF. Ils exercent déjà de grandes responsabilités. L'objectif est différent. On ne veut plus d'état UMP, d'état PS, ni d'état UDF. Si la France décide de passer un contrat avec un nouveau chef d'Etat comme François Bayrou, pour casser le système politique actuel, les Français donneront le pouvoir, la majorité nouvelle dont François Bayrou aura besoin pour gouverner. Aujourd'hui, les états-Majors sont verrouillés. Il prend l'exemple d'un conseiller général UMP dans l'Orne qui est venu le voir, un maire PS également pour montrer que la base rebiffe. De toute manière, ce ne sont pas les partis qui changeront, ce seront les Français qui changeront les partis. Les élus ont besoin de se libérer. On ne prend plus de décisions depuis trente ans. Les Français en souffrent.

    On assiste aujourd'hui à un jeu de rôles, les masques sont tellement lourds qu'on a du mal à les faire tomber. Derrière ces masques, tout est en carton-pâte. Les Français éliront François Bayrou s'ils veulent que le système change. Chirac fut élu avec 19% des voix, et il obtint 365 députés, ne serait-ce pas possible avec François Bayrou, se demande Jean-Christophe Lagarde. Il souhaite faire travailler la droite modérée et la gauche moderne. Il y en a qui viennent du parti socialiste chez François Bayrou. Il prend l'exemple d'Eric Besson. Depuis qu'il s'est libérée de la gangue du parti socialiste, il déclare qu'il a enfin pu dire ce qu'il pense réellement. Un élu qui ne serait plus prisonnier de son appareil politique est capable de dire qu'il mentait à ses électeurs. Ils existe, ces hommes politiques, qui aimeraient aujourd'hui arrêter de raconter n'importe quoi, des histoires dans lesquelles ils ne croient même plus.

    A propos du ralliement de Jean-Louis Borloo aux côtés de Nicolas Sarkozy, Jean-Christophe Lagarde estime que cette opération à vingt-cinq jours des élections n'est pas un ralliement de convictions, mais est uniquement fondé sur de lourdes négociations d'appareils dont les Français ne veulent plus. Borloo estime les Français incapables de supporter le changement. Jean-Christophe Lagarde le pense, au contraire. Si ce qu'il dit était en accord avec ce qu'il fait, il serait avec François Bayrou. On constate la même chose avec Simone Veil qui fonde son soutien à Sarkozy sur l'acrimonie et pas sur un socle d'arguments forts. Pour une dame de son rang, c'est assez regrettable, estime Jean-Christophe Lagarde.

    Le député-maire de Drancy rappelle que François Bayrou se définit comme le tribun de la plèbe dans son livre, Projet d'Espoir. S'il est élu, on ne pourra pas le priver de majorité pour gouverner. Le séisme sera tellement important que le tsunami provoqué emportera tout sur son passage. Et si par malheur, cela ne se produisait pas, on changerait alors les institutions par référendum. Dans le monde, seule la France a un Parlement qui ne joue pas son rôle. Un Parlement doit pousser à la négociation, doit contrôler le gouvernement. Il n'est aujourd'hui qu'une chambre d'enregistrement. La conscience politique des Français ne se fait plus dans l'hémicycle. C'est la rue qui mène la danse et c'est très dangereux. L'Assemblée nationale doit pouvoir exercer un pouvoir propre, dans la lignée de la séparation des pouvoirs de Montesquieu. Si survient une Vième République, c'est à cela qu'on arrivera, un pouvoir exécutif, un pouvoir législatif, un pouvoir judiciaire tous trois renforcés et séparés avec pouvoir de contrôle.

    Jean-Christophe Lagarde refuse de dire pour qui se prononcerait François Bayrou s'il la défaite advenait. Autant abandonner le combat dès maintenant, fait-il admettre les journalistes qui l'interrogent. Si l'on dit pour qui l'on penche avant l'élection, on disparaît aussitôt du paysage politique.

    A propos de l'Europe, le Parlement européen est aujourd'hui paralysé. On aurait dû approfondir les liens entre pays membres avant d'élargir à vingt-sept pays membres, ce qui est beaucoup trop et provoque l'immobilisme. Sans réformes urgentes des institutions européennes, on ira directement dans l'impasse. Dans l'histoire, la France se croit totalement exemplaire alors que c'est elle qui échoue. Auparavant, elle montrait la voie à suivre. Il faudrait aujourd'hui plusieurs cercles. Ceux qui souhaitent avancer plus vite et ceux qui souhaitent se contenter d'un marché commun de libre échange régi par quelques règles. La France, quant à elle, doit se situer dans le premier de ces deux cercles. En matière de défense, de sécurité commune face aux agressions extérieures comme le terrorisme, en matière d'environnement comme de questions sociales, l'Europe doit aujourd'hui franchir un cap, selon Jean-Christophe Lagarde. La démarche de François Bayrou et de son équipe est clairement de redéfinir un Traité lisible, accessible à tous, un Traité politique qui sera soumis au vote des Français. Trois points devront être pis en compte dans la rédaction de ce nouvel opus : qui exerce le pouvoir ? Comment rendre des comptes ? Comment changer le pouvoir quand il est défaillant ?

    Aujourd'hui, l'Europe ne se préoccupe plus que de détails, jamais de l'essentiel. Or, François Bayrou est capable d'englober les gens du oui et les gens du non pour les emmener. On ne s'est pas encore remis du référendum. On n'a pas besoin d'identité européenne, mais d'une volonté commune de travailler ensemble. Face aux grands ensembles que sont la Chine, l'Inde, nous devons impérativement poursuivre la construction européenne, car la France seule ne peut rien. Même si jean-Christophe Lagarde a voté non, il s'en explique en reprenant les arguments de François Bayrou qui affirme que ce Traité était illisible et inaccessible. Or, un Traité d'une telle importance appartient aux peuples européens avant les élites.

    En guise de conclusion, Jean-Christophe Lagarde se réjouit de l'augmentation de 4,2 % d'inscrits sur les listes électorales en France. EN Seine Saint-Denis d'où est originaire électoralement Jean-Christophe Lagarde, ce chiffre atteint les 10 %. Il voit dans ces chiffres des signes réconfortant pour la démocratie française. La banlieue aujourd'hui a envie de bouger. C'est avec l'arme du vote qu'elle contraindra les politiques au mouvement, dont François Bayrou se veut le fer de lance.

    Direct 8

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