• Bayrou prône "l'union nationale" et la création d'un "grand parti démocrate" (Source LeMonde.fr)

     
    maginons que vous êtes élu le 6 mai. Comment formez-vous votre premier gouvernement ?

    Depuis des années, j'ai observé la dégradation de la vie politique française et les signes multiples de l'affaiblissement de notre pays. J'en suis arrivé à la conclusion que son redressement passe par un électrochoc : il faut une union nationale pour donner à tous les Français la certitude qu'on va poser les vraies questions et y apporter des réponses non-partisanes.

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    C'est pourquoi, élu président de la République, investi d'un mandat clair par les Français, je formerai un gouvernement composé de femmes et d'hommes compétents, d'accord sur les grands choix, et représentatifs des grandes sensibilités démocratiques du pays.

    Mais le PS et l'UMP ne sont pas prêts à s'engager dans cette démarche.

    Mesurez ce que sera la force et l'écho de la décision des Français, dans notre pays et à l'extérieur, s'ils élisent un président porteur de cette idée... Si les appareils refusaient d'entendre ce message, ils seraient rejetés aux élections législatives.

    En Allemagne, il y a quelques mois, la CDU et le SPD disaient qu'ils n'accepteraient jamais de gouverner ensemble. Il se trouve que le peuple allemand leur a donné mandat, avec le vote aux législatives, de travailler ensemble. Et ils l'ont fait.

    Vous pariez sur un éclatement du PS et de l'UMP ?

    Non. Ils prendront leurs responsabilités. La nouveauté de la proposition politique qui est la mienne est qu'elle invite à voir ce qui rassemble et non ce qui sépare artificiellement.

    Donc on va aux élections, au scrutin majoritaire, avec des candidats "majorité présidentielle"...

    Elu président de la République, investi de la confiance des Français et porteur de ce mandat du peuple, je nomme un gouvernement de rassemblement. Ce gouvernement accordera un label dans chaque circonscription aux candidats qui le soutiendront. La nouvelle majorité présidentielle sera présente dans chaque circonscription du pays. Et les Français la choisiront.

    Cela vous amènera-t-il à créer un nouveau parti ?

    Oui, je crois que ce sera une nécessité. Pour porter ce nouvel espoir et cette grande responsabilité, l'UDF dans sa forme actuelle ne suffira pas. Il faudra un grand parti démocrate pour la France.

    En 1988, après l'élection de François Mitterrand, les candidats de la majorité présidentielle avaient perdu plus d'un million de voix par rapport à ce qu'il avait obtenu au premier tour. La vague n'est pas automatique.

    Vous verrez le contraire. La vague dépassera de beaucoup l'élection présidentielle. Les Français ont entre les mains une arme à plusieurs coups : un nouveau président, un nouveau gouvernement, une nouvelle majorité. En 1988, Mitterrand a manqué à son engagement : il se fait élire sur "la France unie" et, aussitôt après, il referme cet engagement en se contentant de quelques débauchages. Les Français n'ont pas aimé cette attitude, et je les comprends. Je suis contre les manœuvres, je suis pour les rassemblements assumés devant le pays.

    Et vous changez le mode de scrutin ?

    Parmi les premiers grands chapitres du redressement, il y a les institutions. Le président de la République assume ses responsabilités, mais le gouvernement ne pratique plus le passage en force. Le 49-3, les ordonnances, n'entrent plus dans le cadre des rapports entre le gouvernement et le Parlement.

    On met en place une loi électorale juste : 50 % des sièges au scrutin majoritaire de circonscription, 50 % à la proportionnelle, avec une barre à 5 % des suffrages. On garde ainsi une dynamique majoritaire tout en répondant à l'impératif d'une représentation équilibrée des territoires et des opinions.

    Donc le Front national rentre au Parlement ?

    Oui, il rentre au Parlement si les électeurs le veulent. Ainsi les confrontations auront lieu à visage découvert. Et l'extrême gauche rentre au Parlement, si les électeurs en décident ainsi. On a besoin d'un Parlement qui représente la France dans sa diversité.

    Parmi les chantiers prioritaires, vous mettez l'éducation nationale. Vous voulez discuter avec les syndicats. Mais aurez-vous le courage de réformer ?

    Réformer, le mot n'est pas suffisant. Ce qu'il faut, c'est refonder. Je ne partage pas la vision de ceux qui présentent le travail à conduire avec l'éducation nationale comme une mise au pas, avec des coupes claires ou sombres à tous les étages ! Je veux que l'on revienne à l'égalité scolaire, c'est-à-dire à de bonnes conditions d'étude et à l'excellence partout. Y compris dans le collège de banlieue ou dans le monde rural profond.

    Je connais les personnels de l'éducation nationale, et il se trouve que je les estime. Je passerai un contrat avec eux. Je garantis les moyens, j'arrête la chasse perpétuelle aux postes, d'ailleurs infructueuse. Avec ces moyens garantis, on va augmenter l'exigence de résultats. On va s'obséder de cette idée qu'il n'y aura plus de collèges de seconde zone, plus de collèges ghettos.

    Je me fixe l'objectif que l'école publique soit réhabilitée et que la discipline revienne dans les établissements. Cela veut dire : être capable d'identifier les quinze ou vingt enfants déstabilisés qui déstabilisent la vie scolaire et de leur donner une pédagogie adaptée, avec des éducateurs, avec des psychologues, pour leur permettre de retrouver des repères. En les sortant de l'établissement, mais sous sa responsabilité.

    Quand j'ai défini ce concept, en 1995, j'avais appelé cela le collège hors les murs. Malheureusement, l'idée a été abandonnée par mes successeurs.

    Où réalisez-vous des économies et comment engagez-vous la réforme de l'Etat ?

    Je me fixe l'objectif que, en trois ans, la dette soit stabilisée en valeur absolue. Avec une croissance annuelle de 2 %, les rentrées fiscales, à prélèvements égaux, augmentent d'environ 14 milliards d'euros par an. Je propose d'en affecter automatiquement la moitié, 7 milliards, à la baisse du déficit. Cela fait 21 milliards en trois ans. C'est le montant nécessaire pour stopper la croissance de la dette.

    Pour arriver à faire des économies, il faut engager une conférence avec les collectivités territoriales, parce qu'elles sont une partie du déficit du pays. Je proposerai le principe de la compétence négative, en arrêtant les compétences croisées. C'est-à-dire qu'une collectivité et une seule s'occupe d'un secteur.

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    Je veux fondre en une seule collectivité les départements et les régions : même administration, administrée par les mêmes élus désignés selon le même principe d'équité : moitié au scrutin de circonscription, moitié à la proportionnelle, de manière que soient représentés les territoires et les opinions.

    Pour couronner le tout, j'inscrirai dans la Constitution l'interdiction de présenter un budget en déficit de fonctionnement. On ne peut pas baisser les prélèvements obligatoires tant qu'on n'a pas retrouvé l'équilibre de nos finances publiques.

    En vous inscrivant dans le cadre de ces grandes contraintes, notamment en matière de fiscalité et de prélèvements obligatoires, comment pensez-vous parvenir à rééquilibrer le partage des richesses ?

    Cela ne peut pas se faire par la loi, cela ne peut se faire que de manière incitative. Je proposerai une mesure incitative forte pour que les entreprises soient amenées à partager leurs bénéfices à la fin de l'année avec leurs salariés. C'est plus que la participation, parce que la participation est bloquée pendant cinq ans.

    Il faut que cet intéressement puisse être liquide et que l'entreprise trouve un avantage à partager ses bénéfices avec ses salariés. Cela se discutera avec les organisations représentant les entreprises.

    J'appartiens à cette école de pensée qui pense que la bonne répartition, c'est : un tiers pour le capital, un tiers pour l'investissement et un tiers pour les salariés. En vingt ans, on a assisté à une dérive de huit points vers le capital.

    En quoi consiste votre idée d'une Europe à deux cercles ?

    Il y a deux projets européens en concurrence. Le projet qui veut une Europe la plus large possible, dont l'objectif est de faire un marché commun avec des règles juridiques communes. Notre projet est plus exigeant : il est de regrouper nos forces pour agir ensemble sur le destin du monde, pour défendre des valeurs et un projet de société.

    Dans l'état actuel des choses, ces deux projets coexisteront, pendant longtemps. On a ainsi un des schémas politiques de l'avenir de l'Europe. L'Europe active doit être ouverte, elle doit pouvoir être rejointe. Son socle, ce sont les fondateurs et la zone euro.

    Les pays qui considèrent que commerce et règles juridiques suffisent formeront le deuxième cercle, qui peut également s'élargir, par exemple au bassin méditerranéen, à l'Ukraine...

    Etes-vous prêt à accepter l'entrée de la Turquie, à laquelle vous étiez opposé ?

    J'ai largement exprimé mon point de vue. Puis il y a eu l'ouverture des négociations. Et à cette ouverture des négociations, j'ai dit : la chaise de la France ne restera pas vide. Beaucoup de gens, en Turquie même, réfléchissent à l'inadéquation de l'adhésion pure et simple à l'Union européenne.

    Il faut poursuivre cette réflexion avec les gouvernements turcs. C'est une affaire qui bougera. L'ouverture des négociations est une décision qui a été prise et sur laquelle je ne reviendrai pas. Il y a une continuité de l'Etat.

    Envisagez-vous de rediscuter avec les partenaires européens sur le droit de veto et la présence permanente de la France au Conseil de sécurité des Nations unies ?

    Nous avons la chance d'être au Conseil de sécurité des Nations unies. Je considère que nous y sommes en notre nom et que nous représentons aussi une part de l'Union européenne. C'est une chance pour l'Union européenne d'avoir deux membres permanents aux Nations unies.

    Mais je ne pense pas qu'on puisse envisager l'édification de l'Europe par un amoindrissement de la France. Je crois que la voix de la France, pour être entendue, doit avoir cette chambre d'écho européenne.

    Par exemple, sur l'Irak ?

    La France a bien fait de dire ce qu'elle a dit. J'ai dit à cette époque à quel point je soutenais la position de Jacques Chirac. Et je peux vous dire que les pressions n'ont pas manqué pour que je fasse un autre choix. Je n'ai qu'une seule nuance avec lui : je suis persuadé que si on avait eu une expression forte du président de la République française dans le cadre d'un Conseil européen, celle-ci aurait eu un écho extraordinaire dans les autres pays européens.

    Etes-vous favorable à un nouveau référendum sur l'Europe ?

    Je ne laisserai pas se creuser le fossé entre les Français et l'Europe. Ils ont voté non, et je n'éluderai pas le débat avec eux. La position de Nicolas Sarkozy, qui veut court-circuiter le vote des Français et faire voter un minitraité par le Parlement, dès le mois de juillet, est d'une part totalement irréaliste et d'autre part dangereuse car elle risque de couper les Français un peu plus de l'idée européenne.

    Propos recueillis par Caroline Monnot, Arnaud Leparmentier et Patrick Roger


  • Commentaires

    1
    mac
    Vendredi 2 Mars 2007 à 16:33
    bonjour,
    Je suis pour la proportionnelle aux élections législatives. En ce qui concerne Mr Bayrou, fort sympathique... Je ne vois aucune personnalité de gauche, ni de droite rallier sa cause, son rêve dirai-je !... On entend aucun NOM ! Je pense qu'il aurait une chance de victoire si des politiciens connus et moins connus montaient au créneau.
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